A quelques jours d’atteindre ses 101 ans, Claude Lévi-Strausse s’est éteint.
Pour célébrer sa mémoire et dire sa vision globale de l’humanité qui recouvre si bien celle des humanitaires, nous rapportons ici une partie de propos qu’il avait tenus lors l’entretien qu’avait publié voici trente ans dans son édition datée du 21-22 janvier 1979 le quotidien « LE MONDE »:
« C’est en quelque sorte d’une seule et même foulée que l’homme a commencé par tracer la frontière de ses droits entre lui-même et les autres espèces vivantes, et s’est ensuite trouvé amené à reporter cette frontière au sein de l’espèce humaine, séparant certaines catégories reconnues seules véritablement humaines d’autres catégories qui subissent alors une dégradation conçue sur le même modèle qui servait à discriminer espèces vivantes humaines et non humaines. Véritable péché originel qui pousse l’humanité à l’autodestruction.Le respect de l’homme par l’homme ne peut pas trouver son fondement dans certaines dignités particulières que l’humanité s’attribuerait en propre, car, alors, une fraction de l’humanité pourra toujours décider qu’elle incarne ces dignités de manière plus éminente que d’autres. Il faudrait plutôt poser au départ une sorte d’humilité principielle ; l’homme, commençant par respecter toutes les formes de vie en dehors de la sienne, se mettrait à l’abri du risque de ne pas respecter toutes les formes de vie au sein de l’humanité même. »