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• Après la vaccination dans le monde de plusieurs centaines de millions de personnes avec un vaccin à ARNm et la surveillance par diverses équipes de pharmacovigilance, quelques signaux d’effets indésirables très rares ont émergé, notamment des péricardites et des myocardites.
L’évaluation initiale des vaccins covid-19 à ARNm, tozinaméran (Comirnaty° des firmes Pfizer et BioNTech) et vaccin covid-19 ARNm-1273 (Spikevax° de la firme Moderna), a montré un profil d’effets indésirables principalement constitué de : réactions locales et systémiques fréquentes dans les jours suivant la vaccination ; réactions d’hypersensibilité ; troubles du rythme cardiaque et hypertensions artérielles (1).
Jusqu’à mi-2021, plusieurs centaines de millions de doses de ces vaccins ont été injectées dans le monde, surtout de tozinaméran ; avec en France, plus de 45 millions de doses de tozinaméran et plus de 5 millions de doses du vaccin covid-19 ARNm-1273 injectées au 8 juillet 2021 (2,3).
Diverses équipes de pharmacovigilance ont étudié les notifications de façon particulièrement active. Leurs analyses visent à distinguer les effets indésirables, survenus après la vaccination, des événements indésirables, dont la survenue après la vaccination est une coïncidence ; la probabilité de coïncidence étant élevée vu le très grand nombre de personnes vaccinées. Quelques signaux d’effets indésirables liés aux vaccins covid-19 à ARNm avaient été mis en évidence début 2021 peu après leur mise sur le marché. Qu’en est-il mi-2021 ?
Des signaux confirmés : hypertensions artérielles, troubles du rythme cardiaque, paralysies faciales, allergies. Selon les rapports de pharmacovigilance français, les hypertensions artérielles font partie du profil d’effets indésirables des vaccins covid-19 à ARNm (3). Au 8 juillet 2021, plus de 1 500 cas de troubles du rythme cardiaque ont été rapportés avec le tozinaméran. Ces troubles ont souvent été considérés comme consécutifs à l’anxiété provoquée par la vaccination, mais certains ont été imputés au vaccin lui-même (4à7).
D’après le résumé des caractéristiques (RCP) du tozinaméran, la fréquence des paralysies faciales a été estimée entre 1 cas pour 10 000 et 1 cas pour 1 000 personnes vaccinées (8).
Concernant les réactions allergiques, une étude prospective étatsunienne a inclus 64 900 personnes travaillant dans un hôpital, qui ont été vaccinées avec un vaccin covid-19 à ARNm, dont 40 % avec le tozinaméran. Ces personnes ont été suivies durant 3 jours. 1 365 personnes ont eu une réaction allergique aiguë (dont prurits, urticaires, œdèmes, troubles respiratoires), soit environ 2 % des personnes vaccinées (9). La fréquence des réactions anaphylactiques a été estimée aux États-Unis d’Amérique entre 2 cas et 5 cas par million de doses administrées. Ces réactions sont liées notamment à la présence de polyéthylène glycol (PEG) dans ces vaccins covid-19 à ARNm (1).
Péricardites, myocardites. Mi-2021, suite à l’analyse de cas rapportés en Europe et dans le monde, le Comité européen de pharmacovigilance (PRAC) a conclu que les vaccins à ARNm exposent très rarement à des myocardites et à des péricardites, des inflammations du cœur. Le plus souvent, elles sont survenues dans les 14 jours après la deuxième injection chez des adolescents ou des jeunes hommes âgés de moins de 30 ans et ont régressé en quelques jours (8,10,11).
À la mi-juin 2021, selon le Centers for disease control and prevention (CDC) étatsunien, 1 226 cas de myocardite avaient été notifiés aux États-Unis d’Amérique avec un vaccin à ARNm. La moitié des personnes concernées étaient âgées de moins de 26 ans. Les trois quarts étaient des hommes. Les symptômes sont survenus dans les 3 jours suivant la vaccination, surtout après la deuxième dose. Le CDC estime que pour un million d’hommes âgés de 12 ans à 29 ans ayant reçu deux doses de vaccin à ARNm, environ 39 à 47 seraient atteints d’une myocardite ou d’une péricardite, tandis que 560 hospitalisations, 138 admissions en soins intensifs et 6 morts dues à la maladie covid-19 seraient évitées ; et pour un million de femmes âgées de 12 ans à 29 ans ayant reçu deux doses de vaccin à ARNm, environ 4 à 5 seraient atteintes d’une myocardite ou d’une péricardite, tandis que 922 hospitalisations, 73 admissions en soins intensifs et 6 morts dues à la maladie covid-19 seraient évitées (10).
Œdèmes de la face. Plusieurs cas d’œdème de la face ont été rapportés un jour ou deux après la vaccination avec le tozinaméran ou le vaccin covid-19 ARNm-1273 chez des personnes ayant reçu auparavant des injections cosmétiques d’acide hyaluronique, comme produit de comblement des rides. Ces œdèmes étaient localisés au niveau des zones ayant reçu l’acide hyaluronique. Ils étaient parfois accompagnés d’érythèmes, de nodules douloureux et d’indurations. Le comblement des rides datait parfois de plus de un an. De telles réactions ont aussi été observées après une infection virale, y compris au Sars-CoV-2. L’une des patientes avait déjà rapporté le même effet indésirable après avoir reçu un vaccin contre la grippe (8,12à14).
Pancréatites aiguës parfois mortelles ? En France, au 8 juillet 2021, 57 cas de pancréatite aiguë grave ont été notifiés depuis le début de la commercialisation du tozinaméran, dont un cas de pancréatite fulminante mortelle. Le plus souvent, ces pancréatites sont survenues dans un délai court après l’injection, de l’ordre de quelques heures à quelques jours, chez des patients n’ayant pas d’antécédent d’atteinte pancréatique ou biliaire. Six cas de pancréatite grave ont été rapportés en France avec le vaccin covid-19 ARNm-1273 (4,5,15,16).
Polyradiculonévrites, dont syndromes de Guillain-Barré ? De manière générale, le début insidieux des maladies auto-immunes rend difficile l’établissement d’un lien avec un vaccin (17).
En France, au 8 juillet 2021, 23 cas de polyradiculonévrite, dont 17 syndromes de Guillain-Barré (un mortel), ont été notifiés chez des personnes ayant reçu du tozinaméran (4). Au Royaume-Uni, au 7 juillet 2021, après administration de plus de 31 millions de doses de tozinaméran, 42 cas de polyneuropathie aiguë ont été rapportés chez des personnes vaccinées par le tozinaméran, dont 41 syndromes de Guillain-Barré (deux mortels) (18,19).
Hémophilies acquises ? En France, au 8 juillet 2021, six cas d’hémophilie acquise ont été notifiés chez des personnes ayant reçu du tozinaméran (4). Le plus souvent, aucune cause connue telle qu’un lupus, une polyarthrite rhumatoïde ou un cancer n’a été identifiée. D’autres cas sont survenus dans le monde. Ces hémophilies sont liées à la présence d’anticorps dirigés contre le facteur VIII de la coagulation. Le rôle du vaccin dans l’apparition de ces auto-anticorps n’est pas exclu. Des cas d’hémophilie acquise ont déjà été rapportés après vaccination contre la grippe saisonnière ou après infection par le Sars-CoV-2 (15,20).
Réactivations virales ? Au 8 juillet 2021, environ 300 cas graves de zona ont été notifiés après administration d’un vaccin covid-19 à ARNm, notamment des méningo-encéphalites et des méningoradiculites zostériennes. Des cas de réactivation symptomatique du virus d’Epstein-Barr et des infections herpétiques ont aussi été rapportés (4,5,16). L’élargissement de la vaccination aux personnes immunodéprimées fait partie des explications plausibles.
Certaines myocardites étaient en lien avec une réactivation d’une infection par le virus de la varicelle et du zona (16).
La surveillance continue. D’autres événements indésirables rapportés chez des personnes ayant reçu un vaccin covid-19 à ARNm font l’objet d’une surveillance par l’Agence française du médicament (ANSM). Au 8 juillet 2021, il s’agit notamment de : thrombopénies, maladies hémorragiques, lésions cutanées des extrémités de type engelures, néphropathies, poussées de polyarthrite rhumatoïde (4,5,21,22).
En somme, fin juin 2021, le profil d’effets indésirables des vaccins ARNm s’est étoffé de quelques troubles, qui semblent très rares, surtout des péricardites et des myocardites. Comme pour tout nouveau médicament, les éventuels effets indésirables à long terme ne sont pas connus.
©Prescrire
Recherche documentaire mise à jour le 19 juillet 2021
Notre recherche documentaire a reposé notamment sur l’interrogation des bases de données Embase (1996-semaine 23 de 2021), Medline (1946-14 juin 2021) et Medrixv (consultée la dernière fois le 3 juin 2021) ; et la consultation du site internet des agences du médicament suivantes : ANSM, EMA, FDA, MHRA pour la dernière fois le 19 juillet 2021.
1- Prescrire Rédaction « Tozinaméran (Comirnaty°), vaccin covid-19 ARNm-1273 (Covid-19 vaccine Moderna°) et pandémie de covid-19. Forte réduction du risque de maladie covid-19, sans signal préoccupant d’effet indésirable » Rev Prescrire 2021 ; 41 (450) : 245 (version numérique complète : 13 pages).
2- Our world in data « Statistics and research. Coronavirus (covid-19) vaccinations ». Site www.ourworldindata.org consulté le 11 juin 2021 : 25 pages.
3- ANSM « Suivi des cas d’effets indésirables des vaccins covid-19. Données du 25/06/2021 au 08/07/2021 » 16 juillet 2021 : 18 pages.
4- CRPV de Bordeaux, CRPV de Marseille, CRPV Toulouse, CRPV Strasbourg « Enquête de pharmacovigilance du vaccin Pfizer BioNTech Comirnaty. Rapport n° 17 : période du 28 mai 2021 au 1er juillet 2021 » 16 juillet 2021 : 57 pages.
5- CRPV de Lille, CRPV de Besançon « Enquête de pharmacovigilance du vaccin Covid-19 vaccine Moderna. AMM européenne conditionnelle délivrée le 06 janvier 2021. Rapport n° 14 : période du 28 mai 2021 au 01 juillet 2021 » 16 juillet 2021 : 30 pages.
6- CRPV de Bordeaux, CRPV de Marseille « Enquête de pharmacovigilance du vaccin Pfizer BioNTech Comirnaty. Rapport n° 16 : période du 14 mai 2021 au 27 mai 2021 » 4 juin 2021 : 43 pages.
7- CRPV de Bordeaux, CRPV de Marseille « Enquête de pharmacovigilance du vaccin Pfizer BioNTech Comirnaty. Rapport n° 8 : période du 26 février 2021 au 04 mars 2021 » 11 mars 2021 : 49 pages.
8- Commission européenne « RCP-Comirnaty » + « RCP-Spikevax » 13 juillet 2021 : 49 pages.
9- Blumenthal KG et coll. « Acute allergic reactions to mRNA covid-19 vaccines » JAMA 8 mars 2021 : 3 pages.
10- CDC « Use of mRNA covid-19 vaccine after reports of myocarditis among vaccine recipients : update from the Advisory committee on immunization practices United States, June 2021 » MMWR 2021 ; 70 (27) : 977-982.
11- EMA « Comirnaty and Spikevax: possible link to very rare cases of myocarditis and pericarditis » 9 juillet 2021 : 4 pages.
12- Munavalli GG et coll. « Covid-19/Sars-CoV-2 virus spike protein-related delayed inflammatory reaction to hyaluronic acid dermal fillers : a challenging clinical conundrum in diagnosis and treatment » Arch Dermatol Res 9 février 2021 : 15 pages.
13- CRPV de Lille, CRPV de Besançon « Enquête de pharmacovigilance du vaccin Covid-19 vaccine Moderna. AMM européenne conditionnelle délivrée le 06 janvier 2021. Rapport n° 12 : période du 30 avril au 13 mai 2021 » 21 mai 2021 : 21 pages.
14- US FDA « FDA briefing document-Moderna covid-19 vaccine » 17 décembre 2020 : 54 pages.
15- CRPV de Bordeaux, CRPV de Marseille « Enquête de pharmacovigilance du vaccin Pfizer BioNTech Comirnaty. Rapport n° 15 : période du 30 avril 2021 au 13 mai 2021 » 21 mai 2021 : 43 pages.
16- CRPV de Bordeaux, CRPV de Marseille « Enquête de pharmacovigilance du vaccin Pfizer BioNTech Comirnaty. Rapport n° 14 : période du 16 avril 2021 au 29 avril 2021 » 7 mai 2021 : 47 pages.
17- Prescrire Rédaction « Maladies auto-immunes d’origine médicamenteuse » Rev Prescrire 2017 ; 37 (403) : 346-353.
18- « Covid-19 mRNA Pfizer-BioNTech vaccine analysis print » 16 juillet 2021. Site www.gov.uk : 93 pages.
19- MHRA « Coronavirus vaccine Weekly summary of yellow card reporting » 16 juillet 2021 : 21 pages.
20- Radwi M et Farsi S « A case report of acquired hemophilia following covid-19 vaccine » J Thromb Haemost 2021 ; 19 (6) : 1515-1518.
21- Lee EJ et coll. « Thrombocytopenia following Pfizer and Moderna Sars-CoV-2 vaccination » Am J Hematol 2021 ; 96 (5) : 534-537.
22- Centre régional de pharmacovigilance Nord-Pas de Calais et Centre d’addictovigilance des Hauts-de France « Littérature « Covid-toe » post-vaccinal : effet indésirable ou expression clinique d’une réponse immunitaire au covid ? » Brèves en pharmaco-addictovigilance 2021 ; 70 : 4.