Vaccin paludisme GSK/Gates : une efficacité décevante à 4 ans et des questions sur la sécurité

Le forum ReMed nous fait part d’une certaine déception concernant le vaccin contre le paludisme actuellement en expérimentation…

 

Vaccin paludisme GSK/Gates : une efficacité décevante à 4 ans et des questions sur la sécurité
Dr Isabelle CatalaAuteurs et déclarations
28 avril 2015
http://www.medscape.fr/voirarticle/3601452
Londres, Grande-Bretagne —

GlaxoSmithKline et la Fondation Gates par le biais de l’initiative PATH se sont donnés les moyens financiers de développer un vaccin contre le paludisme (plus de 300 millions de $). Et il semblerait, d’après les résultats du suivi à 4 ans d’un essai de phase III sur 15 460 enfants publiés dans la revue Lancet, que la voie qu’ils ont choisie soit un succès, du moins après rappel à 18 mois, puisque l’incidence des épisodes cliniques a été réduite de 36 % chez les 5-17 mois et de 26 % chez les 6-12 semaines. Ce premier candidat vaccin (RTS,S/AS01) à attendre la phase III de développement pourrait donc trouver une place dans les prochaines années dans la lutte mondiale contre le paludisme. A condition toutefois que la majoration de l’incidence des méningites retrouvées avec ce candidat vaccin ne soit pas confirmée en vie réelle.

Déception par rapport aux moyens mis en œuvre GSK et l’initiative PATH ont choisi de développer un modèle de vaccin utilisant une protéine recombinante qui interagit avec une protéine du circumsporozoite de Plasmodium falciparumexprimée par le parasite à un stade pré-érythrocytaire. Une partie de la séquence du circumsporozoite est coexprimée avec un antigène de surface de l’hépatite B et formulée avec un adjuvant (AS01). Le choix de cette protéine a donné lieu à discussions en raison de sa faible immunogénicité, ce sujet avait été notamment été abordé à l’occasion d’un  documentaire diffusé sur Arte.

Les résultats publiés dans le Lancet ne vont pas sans une certaine déception par rapport aux moyens mis en œuvre. Certes le vaccin est efficace, mais son efficacité est modeste, elle décroit rapidement avec le temps. Mais à ce jour, il reste le vaccin le plus prometteur, même si pour le  Dr Brian Greenwood (Londres, Grande-Bretagne), l’un des auteurs de l’étude, « l’effet n’est pas aussi important qu’avec d’autres types de vaccins ».

15 460 enfants dans 7 pays africainsLes résultats de la première évaluation de l’étude de phase III ont été publiés en 2013 dans le NEJM : ils concluaient à une efficacité sur les formes cliniques et les formes graves de la maladie à 14 mois.Les données présentées dans le Lancet constituent l’évaluation finale de cette étude qui a inclus 15 460 enfants dans 7 pays africains (Burkina Faso, Gabon, Ghana, Kenya, Malawi, Mozambique et Tanzanie). Deux groupes d’âge ont été déterminés : les 6-12 semaines (6 537) et les 5-17 mois (8 922).

Les enfants ont été vaccinés soit par un vaccin comparateur (2 179 enfants de 6 à 12 semaines et 2 974 enfants de 5 à 17 mois) soit par RTS,S/AS01 à raison de trois injections suivies chez la moitié d’entre eux par une injection de rappel après 18 mois de suivi.L’ensemble de la population incluse avait accès à des mesures de protection contre le vecteur (moustiquaires imprégnées, insecticides…), à des soins primaires à proximité de leur lieu de vie, à une détection par test rapide de l’infection et à un accès aux traitements anti-palustres de dernière génération (artésimisine).

Un effet sur les formes graves des 5-17 moisAu total, 9 585 épisodes cliniques ont été signalés dans le bras contrôle des 5-17 mois contre 7 396 dans le bras sans rappel et 6 616 pour les enfants qui ont subi un rappel. Dans le groupe 6-12 semaines, ces chiffres se sont élevés respectivement à 6 170, 5 444 et 4993. Par rapport au vaccin comparateur, la réduction de l’incidence des épisodes palustres s’est donc établie à 36 % à 4 ans pour les 5-17 mois et à 26 % pour les 6-12 semaines chez les enfants qui avaient bénéficié d’un rappel 18 mois après la première injection.Ces chiffres s’établissaient respectivement à 28 % et 18 % en l’absence de rappel, témoignant d’une baisse relativement rapide de la protection, qui avait déjà été notée dans l’étude préliminaire de phase III.L’efficacité du vaccin avec rappel a aussi été constatée sur l’incidence des formes graves et des hospitalisations pour les enfants de 5 à 17 mois (baisse respective de 32 et 35 %). En revanche, chez les plus petits, ces chiffres n’ont pas atteint le seuil de significativité.

Une hausse nette des cas de méningitesParmi les points marquants des résultats publiés, on retient aussi l’incidence majorée des méningites chez les enfants vaccinés par RTS,S/AS01 : 11 cas chez les enfants vaccinés avec rappel, 10 chez ceux qui avaient été vaccinés sans rappel et 1 chez les témoins. Il semblerait que cette majoration du risque d’atteinte bactérienne du système nerveux ne soit pas en lien direct avec la vaccination, mais les auteurs ne précisent pas l’origine de ce phénomène qui semblait toutefois limité à certaines régions. Cette tendance avait déjà été notée dans l’étude préliminaire de phase III.

Une demande d’AMM auprès de l’EMA

GSK a déposé une demande d’AMM européenne auprès de l’EMA pour le vaccin RTS,S/AS01 dans le but de récolter des données d’évaluation d’efficacité et de sécurité avant sa commercialisation dans le reste du monde. Dans un éditorial joint, les Drs Vasee Moorthy et  Jean-Marie Okwo-Bele (OMS, Genève) expliquent que des deux comités consultatifs de l’OMS pourraient rapidement formuler des recommandations, mais que la vaccination ne doit pas faire laisser de côté toutes les mesures simples de prévention qui ont déjà permis de faire baisser très significativement l’incidence de la maladie.

REFERENCES :TRS,S Clinical Trials Partnership. Efficacy and safety of RTS,S/AS01 malaria vaccine with or without a booster dose in infants and children in Africa : final results of a phase 3 individually randomised controlled trial. The Lancet http://dx/doi.org/10.1016/S0140-6736(15)60767-X
Agnandji ST, Lell B, Soulanoudjingar SS et coll.  First results of phase 3 trial of RTS,S/AS01 malaria vaccine in African children.  N Engl J Med. 2011 Nov 17;365(20):1863-75. doi: 10.1056/NEJMoa1102287. Epub 2011 Oct 18.
Moorthy V, Okwe-Bele JM. Final results from a pivotal phase 3 malaria vaccine trial. http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(15)60767-X

Présentation de notre ONG en date du 21 décembre 2012 sur ce blog     
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