Sotrovimab (Xevudy°) et covid-19 : moins d’hospitalisations chez des patients à risque modéré de forme grave et non vaccinés

La revue « PRESCRIRE » nous informe:

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Fin 2021, le sotrovimab en perfusion intraveineuse unique (Xevudy°) a été autorisé dans l’Union européenne chez certains adultes et adolescents atteints d’une maladie covid-19 symptomatique depuis 5 jours au maximum, sans signe de gravité, mais qui ont au moins un facteur de risque de forme grave. Quelles sont les principales données de l’évaluation clinique de cet anticorps monoclonal dans cette situation ?

Début 2022, les soins des patients atteints d’une forme légère à modérée de covid-19 reposent surtout sur des traitements symptomatiques et sur la surveillance de l’évolution de la maladie. Cette surveillance est particulièrement importante en cas de risque accru de forme grave de covid-19 (1). Début 2022, en France, le variant Omicron est à l’origine de la plupart des infections par le Sars-CoV-2 (2).

Autres traitements proposés en cas de maladie covid-19 débutante à risque de forme grave : surtout nirmatrelvir + ritonavir, et casirivimab + imdévimab hors infection Omicron. Début 2022, chez des patients atteints d’une maladie covid-19 symptomatique sans signe de gravité, avec facteur de risque de forme grave, les options envisageables sont : l’association casirivimab + imdévimab (Ronapreve°), des anticorps monoclonaux, quand l’infection est due à un variant du Sars-CoV-2 autre que le variant Omicron, dans les 7 jours suivant le début des symptômes ; l’association nirmatrelvir + ritonavir (un inhibiteur d’une protéase du Sars-CoV-2 + un potentialisateur d’inhibiteurs de la protéase), dans les 5 jours suivant le début des symptômes, et à condition de gérer avec soin les multiples interactions médicamenteuses de cette association qui contient un puissant inhibiteur de l’isoenzyme CYP 3A4. Fin janvier 2022, des données in vitro suggèrent que l’association nirmatrelvir + ritonavir a une activité antivirale sur le variant Omicron, mais son efficacité clinique n’a pas été étudiée dans ce contexte d’infection de moindre gravité (lire ici, ici) (3à5).

Sotrovimab : un autre anticorps monoclonal, potentiellement actif sur les variants Delta et Omicron, entre autres. Comme le casirivimab et l’imdévimab, le sotrovimab (Xevudy°) est un anticorps monoclonal dirigé contre la protéine S (pour spike en anglais, et « spicule » en français) du Sars-CoV-2. En se fixant sur cette protéine, le sotrovimab entraverait la pénétration du virus dans les cellules. Il est dirigé contre une partie de la protéine S dont la composition paraît peu sujette à des mutations début 2022. Des données in vitro suggèrent une activité du sotrovimab contre divers variants, notamment Alpha, Bêta, Gamma, Delta et Omicron (4,6).

Fin 2021, le sotrovimab a été autorisé dans l’Union européenne chez des patients âgés de 12 ans ou plus, et pesant au moins 40 kg, atteints d’une maladie covid-19 symptomatique depuis au maximum 5 jours, sans besoin d’un apport d’oxygène ni d’hospitalisation, mais à risque élevé d’évolution vers une forme grave. La posologie autorisée est de 500 mg en perfusion intraveineuse (IV) unique, à administrer en 30 minutes (6,7).

Un essai comparatif chez des patients atteints d’une maladie covid-19 sans gravité. L’évaluation clinique du sotrovimab chez des patients atteints d’une maladie covid19, sans besoin d’apport d’oxygène ni d’hospitalisation, repose principalement sur un essai randomisé, en double aveugle, versus placebo. Cet essai a été arrêté prématurément, à la suite de l’avis d’un comité indépendant qui a estimé que l’efficacité était suffisamment démontrée dans une analyse intermédiaire prévue au protocole (6). Cet arrêt anticipé fragilise les résultats.

Cet essai a été réalisé principalement sur le continent américain (États-Unis d’Amérique, Canada, Brésil, Pérou) et a inclus des patients entre août 2020 et mars 2021, avant l’émergence du variant Omicron. Dans cet essai, l’administration d’une perfusion IV unique de 500 mg de sotrovimab a été comparée à une perfusion d’un placebo (solution de chlorure de sodium à 0,9 %). Selon le protocole de l’essai, les adultes inclus n’étaient pas vaccinés et avaient une saturation en oxygène (SpO2) en air ambiant de 94 % ou plus. L’infection par le Sars-CoV-2 a été confirmée biologiquement dans les 5 jours précédant l’inclusion dans l’essai (6).

Des patients âgés pour moitié de moins de 53 ans et non vaccinés. Les résultats détaillés dans le rapport public d’évaluation de l’Agence européenne du médicament (EMA) sont issus principalement d’une analyse chez les 1 057 patients inclus au moment de l’arrêt de l’essai. La moitié des patients étaient âgés de 53 ans ou moins, et 20 % étaient âgés de 65 ans ou plus. Ils avaient au moins un des facteurs de risque de forme grave de la maladie covid-19 retenus par les investigateurs de l’essai : obésité (63 %), âge supérieur à 55 ans (47 %), diabète (22 %), asthme modéré à sévère (17 %).

D’autres facteurs de risque étaient plus rares : bronchopneumopathie chronique obstructive (6 %), insuffisance rénale chronique (1 %), insuffisance cardiaque congestive (moins de 1 %). La moitié des patients avaient un seul facteur de risque et 30 % en avaient deux. Une immunodépression sévère a été un facteur de non-inclusion dans l’essai. Une immunodépression, quelle que soit son intensité, ne faisait pas partie de la liste des facteurs de risque de forme grave retenus par les investigateurs. Dans 60 % des cas, les symptômes de covid-19 étaient apparus depuis 3 jours. 19 % des patients avaient une sérologie positive vis-à-vis du Sars-CoV-2 à l’inclusion, ce qui montre qu’ils avaient déjà été infectés par le virus. Les variants du Sars-CoV-2 en cause n’ont pas été précisés, mais à l’époque de l’essai le variant Omicron n’avait pas encore émergé (4,6,8).

Moins d’hospitalisations et de recours à une oxygénothérapie. Dans les 28 jours suivant l’administration du traitement, un critère combinant hospitalisation de plus de 24 heures ou mort, quelle qu’en soit la cause (critère principal d’évaluation) a été rapporté chez 6 patients (1,1 %) du groupe sotrovimab versus 30 patients (5,7 %) du groupe placebo (différence statistiquement significative selon le protocole). Aucun patient n’est mort dans le groupe sotrovimab versus deux patients du groupe placebo. Deux autres patients du groupe placebo sont morts entre le 30e jour et le 60e jour après la perfusion ; ils n’ont pas été comptabilisés dans le critère principal, évalué seulement pendant les 28 premiers jours après le traitement. La différence sur le critère combiné est surtout due à la diminution du nombre de patients hospitalisés : 6 (1,1 %) versus 29 (5,5 %, dont un mort à l’hôpital). Autrement dit, il a fallu traiter 23 patients par sotrovimab pour éviter une hospitalisation de plus de 24 heures. Dans le groupe sotrovimab, 3 hospitalisations prises en compte dans le critère combiné n’étaient pas liées au covid-19 selon les investigateurs, ou avec un lien peu plausible : un cas d’obstruction intestinale, un cas de cancer du poumon et un cas d’ulcère du pied chez un patient diabétique. Dans le groupe placebo, toutes les hospitalisations et les morts étaient liées à la maladie covid-19 selon les investigateurs. Les durées d’hospitalisation n’ont pas semblé notablement différentes entre les deux groupes (6,8).

La différence sur le critère principal a semblé surtout apparente chez les patients sans anticorps anti-Sars-CoV-2 à l’inclusion (6).

Sept patients (1 %) dans le groupe sotrovimab ont eu une oxygénothérapie versus 28 (5 %) dans le groupe placebo (différence statistiquement significative selon le protocole). Aucun patient dans le groupe sotrovimab n’a eu besoin d’oxygène à haut débit ni de ventilation mécanique, versus 14 dans le groupe placebo (6).

La fréquence relativement faible des hospitalisations dans le groupe placebo (5,5 %), inférieure à celle estimée (16 %) par le protocole de l’essai pour calculer le nombre de patients à inclure, est probablement liée au fait que la plupart des patients inclus dans cet essai étaient en réalité moins à risque de forme grave de maladie covid-19 que prévu (6).

Pas d’évaluation clinique chez des adolescents. Chez les adolescents atteints d’une maladie covid-19, on ne dispose pas de résultats d’essais comparatifs ayant évalué le sotrovimab sur des critères cliniques. L’autorisation de mise sur le marché (AMM) et la posologie chez les adolescents sont extrapolées à partir des résultats obtenus chez des adultes (6).

Réactions à la perfusion et réactions d’hypersensibilité. Les principaux effets indésirables prévisibles du sotrovimab sont ceux des anticorps monoclonaux, surtout des réactions d’hypersensibilité et des réactions lors de la perfusion, avec notamment des : fièvres, frissons, sensations vertigineuses, difficultés respiratoires, éruptions cutanées (lire ici) (6).

Dans l’essai sotrovimab versus placebo, 9 cas de réaction d’hypersensibilité ont été rapportés dans le groupe sotrovimab versus 5 cas dans le groupe placebo. Ces réactions ont été d’intensité légère à modérée. En prenant en compte l’ensemble de l’évaluation du sotrovimab, des cas d’hypersensibilité graves ont été rapportés, avec notamment un cas de réaction anaphylactique (6).

Des augmentations de la créatininémie d’intensité sévère ont été rapportées chez 5 % des patients du groupe sotrovimab versus 3,5 % de ceux du groupe placebo (6).

Aucune donnée pour évaluer les risques lors d’une grossesse. Début 2022, aucune étude chez l’Animal n’a évalué l’effet d’une exposition au sotrovimab chez des femelles gravides. Il n’y a aucune donnée chez des femmes enceintes ou qui allaitent. Comme tous les anticorps monoclonaux, il est prévisible que le sotrovimab traverse la barrière placentaire, avec des conséquences cliniques non connues pour l’enfant à naître (6).

Une solution à diluer en flacon unidose pour une administration unique en milieu hospitalier. En France, Xevudy° est disponible en flacon unidose contenant 500 mg de sotrovimab dans 8 ml de solution (soit une concentration de 62,5 mg/ml) (7).

Les flacons sont à conserver au réfrigérateur, entre 2 °C et 8 °C, à l’abri de la lumière. Après dilution des 8 ml de solution du flacon dans une poche pour perfusion de 50 ml ou 100 ml de chlorure de sodium à 0,9 %, le sotrovimab est à utiliser dans les 24 heures s’il est maintenu à une température de 2 °C à 8 °C, ou dans les 6 heures à une température ambiante jusqu’à 25 °C (7).

Selon le résumé des caractéristiques (RCP), il est prudent d’administrer le sotrovimab dans un environnement adapté à la prise en charge d’une réaction d’hypersensibilité grave, avec une surveillance pendant 1 heure (7). En France, début 2022, ce médicament est réservé à l’usage hospitalier.

En pratique, une diminution des hospitalisations démontrée chez des patients non vaccinés et à risque modéré de forme grave. Dans un essai chez 1 057 patients mené en 2020-2021, dont les résultats sont fragilisés en raison d’un arrêt prématuré, le sotrovimab a diminué les hospitalisations et le recours à une oxygénothérapie par rapport au placebo, chez des patients non vaccinés contre le Sars-CoV-2, dont la moitié étaient âgés de moins de 53 ans et le plus souvent à risque modéré de forme grave de la maladie. Début 2022, les données sont insuffisantes pour démontrer un effet sur la mortalité. Des inconnues persistent quant à son efficacité chez les patients à risque très élevé de forme grave, notamment les personnes âgées de 80 ans ou plus, ou immunodéprimées. Les données in vitro, qui suggèrent une efficacité du sotrovimab sur différents variants du Sars-CoV-2, sont à confronter à la pratique clinique, notamment sur les infections par le variant Omicron.

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Sources :

1- Prescrire Rédaction « Covid-19, formes légères à modérées » Premier Choix Prescrire, actualisation septembre 2021 : 10 pages.

2- Santé publique France « Covid-19 : point épidémiologique » 27 janvier 2022 : 11 pages.

3- Prescrire Rédaction « Dans l’actualité Casirivimab + imdévimab (Ronapreve°) et traitement curatif de la maladie covid-19 débutante : à envisager avec des patients à risque de forme grave » 23 décembre 2021.

4- HAS – Commission de la transparence « Demande d’autorisation d’accès précoce pour une indication disposant d’une AMM-Xevudy° 500 mg » 5 janvier 2022 : 26 pages.

5- Prescrire Rédaction « Dans l’actualité Covid-19 : nirmatrelvir + ritonavir (Paxlovid°) chez certains patients à risque de forme grave » 28 janvier 2022.

6- EMA – CHMP « Public assessment report for Xevudy. EMEA/H/C/005676/0000 » 16 décembre 2021 : 120 pages.

7- Commission européenne « RCP-Xevudy » 17 décembre 2021 : 10 pages.

8- FDA – CDER « Emergency use authorization (EUA) for sotrovimab 500 mg review » 23 juin 2021 : 89 pages.

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