Casirivimab + imdévimab (Ronapreve°) et traitement curatif de la maladie covid-19 débutante : à envisager avec des patients à risque de forme grave


La revue PRESCRIRE nous informe.

www.prescrire.org

Fin décembre 2021, les soins des patients atteints de formes légère à modérée de covid-19 reposent surtout sur des traitements symptomatiques et sur la surveillance de l’évolution clinique. Cette surveillance est particulièrement importante dans certaines situations associées à un risque accru de forme grave de covid-19 : immunodépression ; affection cardiovasculaire ou cérébrovasculaire ; complications d’un diabète ; obésité ; affection pulmonaire chronique ; cancer ; insuffisance rénale chronique ; hypertension artérielle. Le risque de formes graves de covid-19 augmente aussi avec l’âge. En comparaison avec les patients âgés de 40 à 44 ans, le taux d’hospitalisation semble environ 2 fois plus grand chez les patients âgés de 60 à 64 ans, 3 fois plus grand chez ceux âgés de 70 à 74 ans et 6 fois plus grand chez ceux âgés de 80 à 84 ans (1,2).

Association de deux anticorps qui se lient à la protéine S, ce qui entraverait la pénétration du virus dans les cellules. Le casirivimab et l’imdévimab sont des anticorps monoclonaux dirigés contre deux sites distincts de la protéine S (spike, pour « spicule » en anglais) du Sars-CoV2, qui intervient dans la pénétration du virus dans les cellules. En se fixant sur cette protéine, le casirivimab et l’imdévimab entraveraient cette pénétration. L’association de deux anticorps vise à réduire le risque de développement d’une résistance du virus Sars-CoV-2 à l’un d’entre eux (3à6).

Mi-novembre 2021, dans l’Union européenne, l’association casirivimab + imdévimab (Ronapreve°) a été autorisée en traitement curatif de patients atteints d’une maladie covid-19 symptomatique sans signe de gravité, qui ont au moins un facteur de risque de forme grave. L’autorisation concerne les patients âgés de 12 ans ou plus, et pesant au moins 40 kg. Une autorisation a aussi été accordée en prévention d’une maladie covid-19 (4).

Selon le RCP, 600 mg de chacun des anticorps, de préférence en perfusion IV. En traitement curatif d’une maladie covid-19 sans critère de gravité, la posologie autorisée est de 600 mg de casirivimab + 600 mg d’imdévimab en perfusion intraveineuse (IV) unique d’une durée de 20 à 30 minutes, à administrer dans les 7 jours suivants le début des symptômes. Une administration par voie sous-cutanée (SC) est autorisée aussi mais, le résumé des caractéristiques (RCP) européen préconise de la réserver aux situations dans lesquelles l’administration IV n’est pas possible ou exposerait à un retard dans la mise en œuvre du traitement. La posologie préconisée dans le RCP est inférieure à celle qui a été initialement autorisée en France (1 200 mg de chaque anticorps) dans le cadre de l’autorisation temporaire d’utilisation (ATU), devenue autorisation d’accès précoce (3à5).

À la posologie de 600 mg de chacun des anticorps en une seule administration, l’association casirivimab + imdévimab apporte-t-elle un progrès en traitement curatif d’une maladie covid-19 débutante, sans signe de gravité, chez des patients ayant au moins un facteur de risque de forme grave ?

In vitro, un effet antiviral contre le variant Delta, mais peut-être peu ou pas d’effet contre le variant Omicron. Des données in vitro montrent une efficacité antivirale de l’association casirivimab + imdévimab contre divers variants du virus Sars-CoV-2, notamment Alpha, Bêta, Gamma et Delta (6).

Dans une étude in vitro réalisée par des chercheurs de l’Institut Pasteur à Paris, le variant Omicron a été résistant à l’association casirivimab + imdévimab, entre autres (7). Ces données, publiées le 15 décembre 2021 avant relecture par des pairs, sont de faible niveau de preuves car le virus étudié est issu d’un seul patient. Elles ne préjugent pas de l’efficacité clinique ou de l’absence d’efficacité clinique de cette association en cas d’infection par le variant Omicron.

Un essai comparatif chez des patients non vaccinés. L’évaluation clinique de l’association casirivimab + imdévimab en traitement curatif d’une maladie covid19 symptomatique non grave est basée principalement sur un essai randomisé, en double aveugle, versus placebo, dont nous avons déjà présenté certains résultats (lire ici) (3). Il s’agit d’un essai dit adaptatif, c’est-à-dire dont le protocole a été modifié en fonction de l’évolution des connaissances. Cette méthode a l’avantage d’accélérer l’évaluation des médicaments, ce qui est acceptable dans un contexte de pandémie. Mais elle rend plus complexe l’analyse des résultats, ce qui est source de fragilité. Par ailleurs, le nombre de patients inclus dans cet essai a été inférieur à celui initialement prévu pour garantir une puissance statistique correcte, à la suite d’une analyse intermédiaire montrant une efficacité suffisamment démontrée selon l’avis d’un comité indépendant (3,6,8,9).

Cet essai a été réalisé aux États-Unis d’Amérique et a inclus des patients entre novembre 2020 et février 2021, avant l’émergence du variant Omicron. Dans cet essai, l’administration d’une perfusion intraveineuse unique de 600 mg de casirivimab + 600 mg d’imdévimab a été comparée à la perfusion d’un placebo, chez des adultes non vaccinés. L’infection symptomatique par le Sars-CoV-2 a été confirmée par RT-PCR dans les 3 jours précédant le traitement. Les patients avaient une saturation en oxygène de 93 % ou plus, en air ambiant, et n’étaient pas hospitalisés (6,8,9).

Les résultats détaillés dans le rapport public d’évaluation de l’Agence européenne du médicament (EMA) sont issus principalement d’une analyse intermédiaire qui a inclus 1 484 adultes. Tous avaient au moins un des facteurs de risque de frome grave de la maladie covid-19 retenus dans le protocole : un âge supérieur à 50 ans (48 % des patients), une obésité (56 %), une affection cardiovasculaire (37 %), une affection respiratoire chronique (19 %), un diabète (13 %). D’autres facteurs de risque étaient beaucoup plus rares : une immunodépression (2 %), une maladie rénale chronique (0,8 %), une maladie hépatique chronique (0,5 %). Le choix d’un seuil d’âge relativement bas, 50 ans, a conduit à inclure des patients à risque modéré de forme grave. Les symptômes de covid-19 étaient apparus depuis en moyenne environ 3,5 jours avant le traitement, sans dépasser 7 jours 6rotocole de l’essai. 23 % des patients avaient une sérologie positive vis-à-vis du Sars-CoV-2 à l’inclusion, ce qui témoigne qu’ils avaient eu un contact plus ou moins ancien avec le virus (1,6).

Diminution partielle de la fréquence des hospitalisations, sans effet démontré sur la mortalité. Dans les 4 semaines suivant l’administration, la fréquence d’un critère combinant hospitalisation en raison d’une maladie covid-19 ou mort (critère principal d’évaluation selon le protocole de l’essai) a été de 1 % dans le groupe casirivimab + imdévimab versus 3,2 % dans le groupe placebo (différence statistiquement significative). Il y a eu une mort dans chaque groupe, comptabilisées dans le critère combiné. La différence sur le critère combiné est due presque entièrement à la diminution de la fréquence des hospitalisations (0,8 % versus 3,1 %). Autrement dit, il a fallu traiter 44 patients pour éviter une hospitalisation.

L’efficacité a paru du même ordre quelle que soit la sérologie des patients vis-à-vis du Sars CoV-2 à l’inclusion, positive ou négative.

La fréquence des hospitalisations dans le groupe placebo (3,1 %) montre que la plupart des patients inclus dans cet essai n’avaient en réalité pas de risque majeur de forme grave de maladie covid-19. La moitié des patients n’avaient plus de symptômes après 10 jours de traitement par casirivimab + imdévimab, versus 14 jours dans le groupe placebo (différence statistiquement significative) (6,9).

Dans le rapport de l’EMA, quelques données sont issues d’une analyse réalisée chez l’ensemble des 2 385 patients inclus. Les résultats sur le critère combinant hospitalisation en raison d’une maladie covid-19 ou mort sont du même ordre de grandeur que ceux rapportés lors de l’analyse intermédiaire chez les 1 484 premiers patients. Avec un trop faible nombre de morts pour détecter un effet de l’association casirivimab + imdévimab sur la mortalité (6).

Pas d’évaluation clinique en traitement curatif chez des adolescents. Chez les adolescents atteints d’une maladie covid-19, on ne dispose pas de résultats détaillés d’essais comparatifs ayant évalué l’association casirivimab + imdévimab sur des critères cliniques en traitement curatif. Chez les adolescents, l’autorisation de mise sur le marché (AMM) repose surtout sur des données pharmacocinétiques, suggérant une exposition proche de celle observée chez les adultes à la posologie de 600 mg de chacun des anticorps (6,8).

Pas d’évaluation clinique en traitement curatif par voie sous-cutanée. Les données d’évaluation de l’association casirivimab + imdévimab par voie sous-cutanée en traitement curatif reposent notamment sur un essai qui a montré une diminution de la charge virale nasale du même ordre après administration de 600 mg de casirivimab et de 600 mg d’imdévimab par voie SC que par voie IV. Selon des données de pharmacocinétique, la biodisponibilité de ces anticorps est plus faible par voie SC que par voie IV, sans que les conséquences cliniques soient connues. C’est pourquoi l’EMA a préconisé de préférer la voie IV quand cette association est utilisée en traitement curatif (4,6,8).

Réactions à la perfusion et réactions d’hypersensibilité. Les principaux effets indésirables connus de l’association casirivimab + imdévimab sont des réactions lors de la perfusion, avec notamment des : nausées, sensations vertigineuses, syncopes, céphalées, difficultés respiratoires, éruptions cutanées. Les réactions à la perfusion ont parfois motivé l’arrêt du traitement. Quelques cas de réactions anaphylactiques ont été rapportés. L’essai chez 2 385 patients n’a pas apporté d’éléments nouveaux concernant le profil connu d’effets indésirables de cette association (4à6,8).

Les résultats d’un essai randomisé, en double aveugle, casirivimab + imdévimab par voie SC versus placebo, en traitement préventif, ont montré des réactions au site d’injection plus fréquentes dans le groupe administration unique de l’association casirivimab + imdévimab : 4 % des patients versus 1 % des patients dans le groupe placebo. Dans une étude randomisée, en double aveugle, ayant évalué l’administration SC de l’association casirivimab + imdévimab chez des personnes considérées comme en bonne santé ou avec une maladie chronique « stable », et non infectées par le Sars-CoV2, une réaction au site d’injection après la première injection a été rapportée chez 12 % des patients du groupe casirivimab + imdévimab versus 4 % de ceux du groupe placebo. Les réactions rapportées ont notamment été des érythèmes, des prurits, des nodules, des œdèmes, des ecchymoses et des douleurs (4,6,8,10).

Possible diminution de l’efficacité des vaccins covid-19 au cours des 5 mois suivant l’administration des anticorps. Les vaccins covid-19 à ARN messager ou à vecteur viral entraînent la production de la protéine S du Sars-CoV-2 par des cellules de l’organisme, ce qui provoque une réponse immunitaire. En se fixant sur la protéine S, il est prévisible que le casirivimab et l’imdévimab diminuent la réponse immunitaire au vaccin. La demi-vie d’élimination plasmatique du casirivimab et de l’imdévimab étant de l’ordre de 30 jours, cette interaction est à prendre en compte quand l’association d’anticorps est administrée dans les jours suivant la vaccination, ou quand le vaccin est administré moins de 5 mois après administration des anticorps (4,6,11,12).

Données insuffisantes pour évaluer les risques lors d’une grossesse. Début décembre 2021, selon le RCP, aucune étude chez l’Animal n’a évalué l’effet d’une exposition in utero au casirivimab ou à l’imdévimab. Les données chez les femmes enceintes sont quasiment inexistantes. Comme tous les anticorps monoclonaux, il est prévisible que le casirivimab et l’imdévimab traversent la barrière placentaire, avec des conséquences cliniques non connues fin 2021 pour l’enfant à naître (4,6).

Une seule perfusion intraveineuse, ou à défaut 4 injections sous-cutanées, et en France, les contraintes d’une administration uniquement à l’hôpital. En France, Ronapreveest disponible sous deux présentations de solutions contenant 120 mg/ml d’anticorps : l’une contient un flacon de 300 mg de casirivimab dans 2,5 ml de solution et un flacon de 300 mg d’imdévimab dans 2,5 ml de solution ; l’autre contient un flacon multidoses de 1 332 mg de casirivimab dans 11,1 ml de solution et un flacon multidoses de 1 332 mg d’imdévimab dans 11,1 ml de solution. Aucun matériel pour la préparation des doses ou pour leur administration n’est fourni dans les conditionnements (4).

Pour l’administration en perfusion IV de 600 mg de casirivimab et 600 mg d’imdévimab, 5 ml de solution de chaque anticorps sont à diluer dans une seule poche de 50 ml à 250 ml d’une solution de chlorure de sodium à 0,9 % ou de glucose à 5 %. Pour administrer les mêmes doses par voie SC, 4 seringues sont à préparer : 2 seringues contenant chacune 2,5 ml de solution de casirivimab et 2 seringues contenant chacune 2,5 ml de solution d’imdévimab. L’injection du contenu des 4 seringues se fait au cours de la même séance, avec un site d’injection différent pour chacune des 4 seringues (4).

En raison du risque de réaction anaphylactique, l’administration est à effectuer dans un environnement permettant la prise en charge d’une réaction allergique grave (4). En France, fin 2021, ce médicament est réservé à l’usage hospitalier, ce qui est contraignant pour des patients qui dont les symptômes sont bénins.

Fin novembre 2021, la firme commercialisant l’association casirivimab + imdévimab a adressé une lettre aux professionnels de santé, validée par l’Agence française du médicament (ANSM). Cette lettre mentionne la survenue d’erreurs de doses en lien avec une confusion entre les volumes totaux des flacons mentionnés sur les boîtes (6 ml ou 20 ml) et les volumes de solution réellement contenus dans les flacons mentionnés sur leur étiquettes (2,5 ml ou 11,1 ml) (13).

En pratique, une option à envisager avec des patients atteints depuis quelques jours de covid-19 sans gravité qui sont à risque de forme grave. Dans un essai clinique comparatif versus placebo, l’administration de 600 mg de casirivimab + 600 mg d’imdévimab a diminué le risque d’hospitalisation pour covid-19 des patients atteints d’une maladie covid-19 symptomatique sans critère de gravité, qui avaient au moins un facteur de risque d’aggravation de la maladie, sans pour autant être vaccinés. Il n’est pas démontré que ce traitement réduise la mortalité. Cette association expose à des réactions lors de la perfusion et à de rares réactions d’hypersensibilité, parfois graves. En France, fin 2021, les patients sont contraints de se rendre à l’hôpital pour l’administration de ce traitement.

Ces données incitent, fin 2021, à envisager ce traitement avec des patients atteints depuis quelques jours de covid-19 symptomatique sans signe de gravité, mais qui ne sont pas vaccinés malgré leur risque de forme grave. C’est aussi une option à envisager quand on estime que la vaccination est probablement peu efficace, en raison d’une immunodépression par exemple, et que le risque d’évolution vers une forme grave est important. Dialoguer avec les patients au sujet des inconnues et des incertitudes est un préalable à la décision. Fin 2021, en cas d’infection par le variant Omicron, l’efficacité clinique de cette association d’anticorps à la posologie autorisée de 600 mg chacun est incertaine.

©Prescrire

Sources :

1- Prescrire Rédaction « Covid-19, formes légères à modérées » Premiers Choix Prescrire, actualisation septembre 2021 : 10 pages.

2- Prescrire Rédaction « Covid-19 grave. Surtout en cas d’âge avancé ou d’affection chronique » Rev Prescrire 2021 ; 41 (456) : 772.

3- Prescrire Rédaction « Dans l’actualité. Association casirivimab + imdévimab (Ronapreve°) et maladie covid-19 débutante sans signe de gravité : peut-être utile chez des patients à risque élevé d’aggravation » 7 octobre 2021.

4- Commission européenne « RCP-Ronapreve » 12 novembre 2021 : 67 pages.

5- Prescrire Rédaction « Dans l’actualité. Maladie covid-19 débutante sans signe de gravité chez des patients à risque d’aggravation : début avril 2021, efficacité clinique incertaine des associations d’anticorps dirigés contre la protéine S du Sars-CoV-2 (bamlanivimab + étésévimab, casirivimab + imdévimab) » 9 avril 2021.

6- EMA – CHMP « Public assessment report for Ronapreve. EMEA/H/C/005814/0000 » 11 novembre 2021 : 147 pages.

7Planas D et coll. « Considerable escape of SARS-CoV-2 variant Omicron to antibody neutralization ». Site www.biorxiv.org consulté le 21 décembre 2021 : 22 pages.

8- FDA – CDER « Emergency use authorization (EUA) for casirivimab and imdévimab review » 3 juin 2021 : 33 pages.

9- Weinreich DM et coll. « Regen-CoV antibody combination and outcomes in outpatients with covid-19 » N Engl J Med 2021 ; 385 (23) : e81+ annexes et protocole : 361 pages.

10FDA CDER « Emergency use authorization for casirivimab ans imdevimab. EUA application number 00091 » 26 août 2021 : 60 pages.

11Prescrire Rédaction « Vaccins covid-19 à ARN messager » Rev Prescrire 2021 ; 41 (450) : 246-247.

12Prescrire Rédaction « Vaccins covid-19 à vecteur viral » Rev Prescrire 2021 ; 41 (452) : 407.

13- Roche « Lettre aux professionnels de santé. Casirivimab + indévimab 120 mg/ml covid-19. Risque d’erreur médicamenteuse. Modification posologie traitement curative des patients non oxygénoréquérants » 30 novembre 2021 : 4 pages.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *