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Rappel de vaccin covid-19 avec une demi-dose d’élasoméran (de la firme Moderna) : autorisé dans l’Union européenne sur la base d’une étude d’immunogénicité
La vaccination est une mesure importante pour prévenir la maladie covid-19 symptomatique, en particulier dans ses formes graves. Depuis l’été 2021, des données montrent une baisse de l’efficacité des vaccins covid-19 vis-à-vis des infections par le Sars-CoV-2 dans les mois qui suivent la vaccination (lire ici). Un rappel vaccinal avec un vaccin covid-19 à ARN messager plusieurs mois après une vaccination initiale complète chez des personnes ayant des facteurs de risque de forme grave, a été la stratégie adoptée à la fin de l’été 2021 par les autorités de santé françaises.
Fin octobre 2021, la Commission européenne a autorisé chez les adultes l’utilisation du vaccin covid-19 à ARN messager élasoméran (Spikevax°), pour un rappel vaccinal. La dose autorisée pour ce rappel est de 0,25 ml de solution (50 microgrammes d’ARN messager), soit une demi-dose par rapport à celles utilisées lors d’une vaccination initiale. Le délai minimum préconisé entre la dernière injection de la vaccination initiale et l’injection de rappel avec l’élasoméran est de 6 mois (1).
Quelles sont les principales données qui étayent cette autorisation et cette posologie ?
Évaluation de la production d’anticorps chez environ 150 personnes. Mi-novembre 2021, nous n’avons pas recensé d’évaluation du rappel vaccinal avec 50 microgrammes d’ARN messager d’élasoméran dans un essai comparatif, que cela soit versus un autre vaccin covid-19, versus une autre dose ou versus une absence de rappel. L’autorisation délivrée par la Commission européenne se base principalement sur une étude dite d’immunogénicité, non comparative et sans procédure d’aveugle (1à4).
Les 149 personnes incluses dans cette étude sont des participants à un essai précédent qui avaient eu une vaccination covid-19 initiale avec deux injections de 100 microgrammes d’ARN messager d’élasoméran (0,5 ml) (3). La moitié des participants étaient âgés de 56 ans ou plus. Les personnes ayant certains facteurs de risque de forme grave de covid-19 n’ont pas été incluses, notamment celles atteintes d’une maladie cardiovasculaire ou pulmonaire chronique, ou d’un diabète. Les participants ont reçu une injection de rappel d’élasoméran avec 50 microgrammes d’ARN messager (0,25 ml), en moyenne 5,7 mois après la deuxième dose de la vaccination initiale (4).
28 jours après l’injection de rappel, le titre moyen d’anticorps neutralisants dirigés contre la souche initiale du Sars-CoV-2 a été multiplié par environ 13 par rapport au titre avant l’injection (2). Une réponse immunologique de même amplitude a été rapportée chez les 37 personnes âgées de 65 ans ou plus (3). La firme a aussi rapporté des résultats en faveur d’une réponse immunologique contre le variant Delta, avec, 28 jours après l’injection de rappel, un titre moyen d’anticorps neutralisants, dirigés contre cette souche, multiplié par environ 16 (2,3). Mais selon l’Agence étatsunienne du médicament (FDA), le test utilisé pour mesurer la concentration d’anticorps dirigés contre le variant Delta n’a pas été validé (3).
Le suivi a été d’au moins 6 mois après la dose de rappel pour la moitié des participants (3). Durant cette période, une infection par le Sars-CoV-2 confirmée par RT-PCR a été rapportée chez 18 patients. Seul un patient a eu des symptômes de covid-19, sans précision sur la gravité.
Selon une comparaison indirecte, de faible niveau de preuves, la réponse immunologique après la dose de rappel a semblé au moins aussi élevée que celle rapportée 28 jours après une 2e injection d’élasoméran de 100 microgrammes d’ARN messager lors d’une vaccination initiale (2,3). La durée de la réponse immunologique après une dose de rappel n’est pas connue fin 2021.
Peu d’informations sur les effets indésirables d’une dose de rappel. Le profil connu d’effets indésirables de l’élasoméran comporte principalement : de fréquentes réactions locales et systémiques dans les jours suivant la vaccination, des réactions d’hypersensibilité, des paralysies faciales, des hypertensions artérielles, des troubles du rythme cardiaque, des vertiges, des hypoesthésies et de rares péricardites et myocardites (1,5).
Dans l’étude d’immunogénicité ayant évalué la réponse immunologique avec l’élasoméran utilisé en rappel chez 149 patients, ont été rapportés surtout de fréquents effets indésirables locaux (douleurs, rougeurs, gonflements) et systémiques (fièvres, maux de tête, fatigues, douleurs musculaires) (2). Ces effets indésirables étaient déjà connus avec l’élasoméran. Leurs fréquences ont été proches de celles rapportées après la vaccination initiale des participants (2,3). Après le rappel, un participant a eu une paralysie faciale qui a commencé 5 heures après l’injection. Deux participants ont eu une réaction allergique cutanée imputée au vaccin, 1 à 2 jours après l’injection. Le nombre de personnes incluses est insuffisant pour mettre en évidence des effets indésirables rares de l’élasoméran utilisé en rappel.
La Haute autorité de santé (HAS) française a rapporté des données françaises de pharmacovigilance après un rappel vaccinal avec 100 microgrammes d’ARN messager d’élasoméran chez environ 42 000 personnes. Ces données n’ont pas mis en évidence d’effets indésirables non connus (4).
Selon des études épidémiologiques, le risque de myocardites et de péricardites liées à un vaccin covid-19 à ARN messager semble un peu plus élevé chez les hommes jeunes, après une deuxième dose qu’après une première dose, et avec l’élasoméran (avec une dose contenant 100 microgrammes d’ARN messager) qu’avec le tozinaméran (un autre vaccin covid-19 à ARN messager administré à raison de 30 microgrammes par dose) (lire ici) (6). Début novembre 2021, la HAS française a recommandé d’utiliser le tozinaméran chez les personnes âgées de moins de 30 ans, que ce soit pour une vaccination initiale ou pour un rappel, dès lors que ce vaccin est disponible (4).
Séparer les circuits de préparation des vaccins à ARN messager. Chez les adultes, pour la vaccination initiale, les quantités à injecter sont de 0,5 ml pour l’élasoméran et de 0,3 ml pour le tozinaméran (a). Pour le rappel, la quantité à injecter est de 0,3 ml de tozinaméran (a), alors qu’elle est de 0,25 ml d’élasoméran. Pour une mesure exacte de la demi-dose d’élasoméran, des seringues graduées de façon adaptée, par exemple par intervalles de 0,05 ml, sont nécessaires.
Il existe des risques de confusion quant au volume à injecter, à la fois entre les deux vaccins pour la dose de rappel, et entre la vaccination initiale et la vaccination de rappel avec le vaccin élasoméran. Afin de réduire le risque d’erreur, il importe de séparer les circuits de préparation de ces deux vaccins ; et de vérifier juste avant l’injection avec la personne à vacciner, le nom du vaccin qu’elle reçoit et l’adéquation entre le volume de solution dans la seringue, le vaccin reçu et le stade de la vaccination.
En pratique, une augmentation de la quantité d’anticorps, sans évaluation de l’efficacité clinique. L’autorisation de l’élasoméran en rappel vaccinal par la Commission européenne est basée principalement sur une étude d’immunogénicité non comparative. Cette étude montre une réponse immunitaire après l’injection de 0,25 ml d’élasoméran (50 microgrammes d’ARN messager) chez des personnes ayant déjà reçu deux doses de ce vaccin en moyenne 6 mois auparavant ; mais sans évaluer l’efficacité clinique de ce rappel. On ne sait pas si une dose moindre ne serait pas suffisante et si le délai minimum recommandé de 6 mois est optimal. Même si la dose utilisée est moindre que celle utilisée lors de la primovaccination, il est prudent de considérer qu’un rappel avec 50 microgrammes d’ARN messager d’élasoméran expose aux mêmes effets indésirables que les premières doses de ce vaccin, avec au moins les mêmes fréquences et gravités.
En France, mi-novembre 2021, la HAS recommande de pratiquer un rappel de vaccin covid‑19 uniquement chez les personnes âgées de 65 ans ou plus, chez les personnes ayant des facteurs de risque de forme grave de covid-19, chez les professionnels de santé ou du secteur médico-social, et chez les adultes de l’entourage d’un patient immunodéprimé (4).
Par ailleurs, réaliser la vaccination des adultes non vaccinés avec un schéma complet et l’associer à la poursuite des autres mesures préventives restent des actions prioritaires.
©Prescrire
a- Correction de la quantité d’une dose de tozinaméran (0,3 ml par dose) effectuée le 19 novembre 2021.
Sources :
1Commission européenne « RCP-Spikevax » 29 octobre 2021.
2Moderna « mRNA-1273 booster dose. Sponsor Briefing document for Vaccines and related biological products advisory committee. Meeting date : 14 october 2021 ».
3FDA « FDA Briefing document. EUA amendment request for a booster dose of the Moderna covid-19 vaccine » 14 octobre 2021 : 45 pages.
4HAS « Stratégie de vaccination contre la covid-19. Place du vaccin ARNm Spikevax » 5 novembre 2021.
5Prescrire Rédaction « Élasoméran (Spikevax°) et covid-19 chez les adolescents » Rev Prescrire 2021 ; 21 (457) : 806-807.
6Le Vu S et coll. « Association entre les vaccins covid-19 à ARN messager et la survenue de myocardite et péricardite chez les personnes de 12 à 50 ans en France. Étude à partir des données du Système National des Données de Santé (SNDS) » 8 novembre 2021 : 27 pages.