Association casirivimab + imdévimab (Ronapreve°) et maladie covid-19 débutante sans signe de gravité 

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Association casirivimab + imdévimab (Ronapreve°) et maladie covid-19 débutante sans signe de gravité : peut-être utile chez des patients à risque élevé d’aggravation
Le casirivimab et l’imdévimab sont des anticorps monoclonaux dirigés contre la protéine S du virus Sars-CoV-2. Fin septembre 2021, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a préconisé l’association casirivimab + imdévimab (Ronapreve°) chez les patients atteints d’une maladie covid-19 sans signe initial de gravité, mais à risque élevé d’aggravation avec hospitalisation (1).

Depuis mars 2021, cette association est autorisée dans le cadre d’une procédure d’accès précoce (auparavant dénommée autorisation temporaire d’utilisation (ATU), dite de cohorte), par l’Agence française du médicament (ANSM). Sont concernés les patients âgés de 12 ans ou plus, atteints d’une maladie covid-19 confirmée par un test RT-PCR, vus dans les 5 jours après le début des symptômes et en l’absence de signe de gravité, mais qui sont à risque élevé d’aggravation. Les facteurs de risque d’aggravation retenus dans le cadre de cette procédure d’accès précoce sont notamment : immunodépression, chimiothérapie en cours, infection par le HIV non contrôlée ; obésité ; diabète ; insuffisance cardiaque, respiratoire ou rénale chronique ; hypertension artérielle compliquée ; trisomie 21 ; âge de 80 ans ou plus. Dans le cadre de cette autorisation, l’association casirivimab + imdévimab est réservée à l’usage hospitalier. Elle s’administre en perfusion par voie intraveineuse (2).

Début octobre 2021, quels sont les effets de l’association casirivimab + imdévimab dans le traitement des formes légères à modérées de covid-19 chez les patients à risque élevé d’aggravation ?

Dans ce texte, nous n’abordons pas les données d’évaluation de l’association casirivimab + imdévimab chez les patients hospitalisés en raison d’une forme grave de covid-19, ni en prévention d’une infection par le Sars-CoV-2 chez les patients immunodéprimés.

Des résultats préliminaires d’un essai entachés par des modifications majeures du protocole. Début octobre 2021, l’évaluation de l’association casirivimab + imdévimab dans la maladie covid-19 sans signe de gravité repose principalement sur deux essais cliniques, menés par la même équipe. Nous avons déjà rapporté en avril 2021 les résultats de l’un d’eux, chez 799 patients, dont environ 40 % n’avaient pas de facteur de risque d’aggravation. Nous avions alors conclu à une efficacité incertaine de cette association (lire ici) (3). Depuis notre précédente analyse, de premiers résultats détaillés de l’autre essai ont été publiés après relecture par des pairs (4).

Des modifications majeures du protocole ont été effectuées au cours de cet essai, conduisant entre autres à : ne plus inclure de patients sans facteur de risque d’aggravation de la maladie covid-19 ; ne plus administrer de doses supérieures à 1 200 mg de casirivimab + 1 200 mg d’imdévimab ; ajouter un groupe recevant 600 mg de chaque anticorps. Les résultats disponibles début octobre 2021 concernent uniquement les patients adultes inclus avant février 2021, pour la plupart après les modifications du protocole décrites plus haut. Cet essai a été poursuivi au-delà de cette date, notamment chez des enfants et des femmes enceintes (4). L’analyse de ces résultats est complexe, ce qui est source de fragilités.

Une diminution du risque d’hospitalisation dans le mois qui suit la perfusion, chez des patients à risque modéré d’hospitalisation. Les données disponibles de cet essai concernent notamment 2 696 adultes atteints d’une maladie covid-19 sans signe initial de gravité, mais avec un facteur de risque d’aggravation, et qui ont reçu en double aveugle une perfusion intraveineuse unique soit de 1 200 mg de casirivimab + 1 200 mg d’imdévimab, soit d’un placebo. Les données de cet essai ayant été collectées avant que le variant Delta du Sars-CoV-2 ne devienne prédominant, on ne sait pas dans quelle mesure les résultats restent valables avec la circulation de ce variant (4).

Les patients inclus dans cet essai avaient : une infection par le Sars-CoV-2, confirmée par RT-PCR dans les 3 jours précédents ; des symptômes évoluant depuis moins de 7 jours avant le tirage au sort ; et aucun signe de gravité justifiant une hospitalisation. Les facteurs de risque d’aggravation de covid-19 retenus étaient : âge de 50 ans ou plus (environ la moitié des patients) ; obésité (58 %) ; affection cardiovasculaire (37 %), y compris hypertension artérielle ; affection respiratoire chronique (16 %) ; diabète (15 %) ; immunodépression (3 %) ; insuffisance rénale chronique (1 %) ; atteinte hépatique chronique (1 %) (4).

Dans les 29 jours suivant la perfusion, la fréquence d’un critère combinant les hospitalisations et les morts a été moindre dans le groupe casirivimab + imdévimab : 1,3 % versus 4,6 % dans le groupe placebo (différence statistiquement significative). Cette différence est due quasiment entièrement à la diminution de la fréquence des hospitalisations : 1,3 % versus 4,4 %. Les données de cet essai sont insuffisantes pour évaluer l’effet de l’association casirivimab + imdévimab sur la mortalité : 4 morts ont été rapportées, dont 3 dans le groupe placebo. La moitié des patients du groupe casirivimab + imdévimab n’avaient plus de symptômes après 10 jours, versus 14 jours chez ceux du groupe placebo (différence statistiquement significative) (4).

Au vu de la fréquence des hospitalisations observée dans le groupe placebo, les patients inclus dans cet essai n’ont pas semblé particulièrement à risque élevé d’aggravation. En outre, les résultats disponibles ne détaillent pas d’analyse selon les divers facteurs de risque d’aggravation, notamment l’âge des patients.

Les principaux effets indésirables qui ont été rapportés avec l’association casirivimab + imdévimab ont été des réactions, parfois graves, liées à la perfusion : 6 patients ont eu une telle réaction dans le groupe association, versus aucun dans le groupe placebo (4).

Les demi-vies d’élimination plasmatique moyennes du casirivimab et de l’imdévimab sont estimées supérieures à 25 jours (5).

En pratique, une réduction plausible du risque d’hospitalisation chez certains patients à risque élevé d’aggravation. Début octobre 2021, les données d’évaluation de l’association casirivimab + imdévimab dans le traitement des formes légères à modérées de covid-19 chez les patients à risque élevé d’aggravation se sont étoffées. Dans cette situation, selon des résultats fragiles d’un essai chez environ 2 700 patients, l’association casirivimab + imdévimab semble plus efficace qu’un placebo pour diminuer la fréquence des hospitalisations, sans efficacité démontrée sur la mortalité. Cependant, la plupart des patients inclus dans cet essai avaient un risque modérément élevé d’hospitalisation. Les analyses effectuées ne permettent pas de déterminer quels patients sont les plus à même de tirer un bénéfice de ce traitement. On ne connaît pas non plus l’efficacité clinique de cette association sur le variant Delta, qui est prédominant en France depuis l’été 2021.

La liste des situations cliniques concernées par la procédure d’accès précoce octroyée par l’ANSM pour l’association casirivimab + imdévimab dans le cadre d’une maladie covid-19 débutante est fondée sur d’autres études de facteurs de risque d’aggravation (6). L’évaluation comparative de cette association ne permet pas de savoir si chez des patients à risque très élevé d’aggravation, l’efficacité est plus ou moins grande et si les effets indésirables sont plus ou moins graves que chez les patients inclus dans l’essai. Une utilisation chez des patients à risque élevé d’aggravation, notamment ceux qui cumulent plusieurs facteurs de risque ou dont l’immunité est très diminuée, semble toutefois raisonnable.

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Sources :

1- WHO « Therapeutics and covid-19 : living guideline » 24 septembre 2021 : 71 pages.

2- ANSM « Protocole d’utilisation thérapeutique et de recueil d’informations. Casirivimab et imdévimab » août 2021 : 15 pages.

3- Weinreich DM et coll. « REGEN-COV antibody cocktail in outpatients with covid-19 » Site www.medrxiv.org consulté le 6 octobre 2021 : 33 pages.

4- Weinreich DM et coll. « REGEN-COV antibody combination and outcomes in outpatients with covid-19 » N Engl J Med 2021 ; en ligne : 12 pages + supplementary appendix : 51 pages.

5- ANSM « RCP-casirivimab et imdévimab » 1er septembre 2021 : 37 pages.

6- Prescrire Rédaction « Covid-19 grave. Surtout en cas d’âge avancé ou d’affection chronique » Rev Prescrire 2021 ; 41 (456) : 772.

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