Vaccin covid-19 et dose de rappel : début septembre 2021, beaucoup d’incertitudes sur son intérêt en population générale, y compris en cas de facteur de risque de formes graves de covid-19

La revue PRESCRIRE fait le point sur la dose de rappel (3ème dose).

www.prescrire.org

Vaccin covid-19 et dose de rappel : début septembre 2021, beaucoup d’incertitudes sur son intérêt en population générale, y compris en cas de facteur de risque de formes graves de covid-19
Fin août 2021, la Haute autorité de santé (HAS) française a recommandé une dose de rappel vaccinal avec un vaccin covid-19 à ARN messager, après un schéma de vaccination complet, chez les personnes qui ont un facteur de risque de formes graves de covid-19, notamment un âge de 65 ans ou plus (1). Quand la vaccination a été effectuée avec le tozinaméran (Comirnaty° des firmes Pfizer/BioNTech), l’élasoméran anciennement dénommé vaccin covid-19 ARNm-1273 (Spikevax° de la firme Moderna) ou le vaccin covid-19 ChAdOx1-S (Vaxzevria° de la firme AstraZeneca), un délai d’au moins 6 mois est préconisé avant d’administrer cette dose de rappel. Quand la vaccination a été effectuée avec une dose de vaccin covid-19 Ad26.CoV2-S (de la firme Janssen), initialement proposé avec un schéma à une dose unique, la HAS recommande d’administrer une dose de rappel avec un vaccin covid-19 à ARN messager après un délai de seulement 4 semaines (1). Ces recommandations ont été élaborées dans un contexte de forte circulation du virus Sars-CoV-2 en France, avec une large prédominance du variant Delta, plus contagieux que d’autres variants (2).

Quels sont les principaux arguments avancés pour justifier ces recommandations ?

Intérêt d’une dose de rappel pas évalué dans des essais cliniques comparatifs. L’injection d’une dose de rappel de vaccin covid-19 plusieurs mois après un schéma de vaccination complet vise à réactiver la réponse immunitaire contre le Sars-CoV-2. La HAS a fait état d’études montrant qu’une telle dose de rappel avec le tozinaméran, l’élasoméran ou le vaccin covid-19 ChAdOx1-S induit une nouvelle réponse immunitaire, de type humoral, qui se traduit par une élévation du taux d’anticorps neutralisants le Sars-CoV-2 (2). Une efficacité préventive liée à cette réactivation immunitaire est vraisemblable, au vu des connaissances sur les autres vaccins. Mais selon la HAS, fin août 2021, on ne dispose pas de résultats d’essais cliniques pour comparer l’efficacité d’une dose de rappel versus absence de dose de rappel (2).

Des études épidémiologiques difficiles à interpréter. Dans son avis daté du 23 août 2021, la HAS s’appuie sur des données épidémiologiques françaises et celles de 12 études réalisées à partir de bases de données (anglaises, canadiennes, écossaises, étatsuniennes, indiennes, israéliennes et qatariennes) pour évaluer l’efficacité des vaccins covid-19 contre le variant Delta et l’évolution de leur efficacité au cours du temps (2). Outre les biais inhérents aux études épidémiologiques, le fait que leurs résultats aient été pour la plupart rendus publics sans relecture par des pairs rend l’interprétation délicate. Plusieurs études ont par exemple comparé l’efficacité des vaccins covid-19 sur des périodes différentes, caractérisées par la prédominance de variants différents, sans tenir compte d’une éventuelle baisse de l’efficacité liée au délai depuis la vaccination initiale.

Parmi ces études, les plus fiables pour évaluer l’efficacité de la dose de rappel sont : celles qui ont analysé l’efficacité des vaccins covid-19 sur les variants sur une même période ; celles qui ont évalué l’effet du délai depuis la vaccination sur l’efficacité des vaccins covid-19 avec prise en compte des variants en circulation. Les autres études disponibles n’apportent pas d’information susceptible de modifier l’interprétation de ces données, c’est pourquoi nous ne rapportons pas leurs résultats.

Des données épidémiologiques en faveur d’une efficacité des vaccins covid-19 contre le variant Delta. Parmi les données épidémiologiques prises en compte par la HAS, les plus pertinentes pour évaluer l’efficacité des vaccins covid-19 contre le variant Delta sont principalement celles issues des bases de données écossaises et anglaises que nous avons déjà présentées (lire ici). Selon ces données, l’efficacité des principaux vaccins covid-19 disponibles, après injection des deux doses, reste importante pour prévenir les infections symptomatiques par le variant Delta, y compris les formes graves de covid-19.

Une autre étude, réalisée à partir de bases de données canadiennes, a inclus environ 420 000 personnes ayant eu une recherche de Sars-CoV-2 par RT-PCR entre décembre 2020 et mai 2021, positive dans environ 15 % des cas (2,3). Dans cette étude, une vaccination avec deux doses de tozinaméran a eu une efficacité élevée pour prévenir les infections symptomatiques par le variant Delta, avec une diminution relative du risque de ces infections de 85 % (intervalle de confiance à 95 % (IC95) : 59 % à 94 %). Cette efficacité a été proche de celle observée vis-à-vis d’autres variants (2,3).

Dans un essai, baisse de l’efficacité préventive du tozinaméran dans les mois suivant la vaccination ? Les premiers résultats rendus publics des essais comparatifs ayant évalué les vaccins covid-19 ont porté surtout sur l’efficacité de ces vaccins pour prévenir les maladies covid-19 symptomatiques. Ces résultats étaient en faveur d’une efficacité élevée sur ce critère dans les semaines suivant le schéma de vaccination complet (4à6). Mais ces essais ont été réalisés avant l’émergence du variant Delta du Sars-CoV-2.

Des résultats avec plus de recul ont été rendus publics pour un seul de ces essais, mais sans relecture par des pairs : celui ayant évalué le tozinaméran versus placebo, chez environ 40 000 patients (2,4). Selon ces données, la diminution relative du risque de maladie covid-19 symptomatique confirmée biologiquement a été en moyenne de 91 % dans les 6 premiers mois suivant l’injection de 2 doses de tozinaméran (2,7). Cette efficacité a semblé diminuer au fil du temps : 96 % d’efficacité préventive contre la maladie covid-19 dans les 2 mois suivant la 2e injection ; 90 % entre 2 et 4 mois après ; 84 % entre 4 et 6 mois après (2,7). L’évolution dans le temps du risque de formes graves de covid-19 n’a pas été rapportée.

Baisse de l’efficacité préventive vis-à-vis du variant Delta, selon deux études épidémiologiques. Deux études de cohorte rétrospectives, réalisées à partir de bases de données israéliennes, ont évalué l’efficacité du tozinaméran sur les infections par le variant Delta du Sars-CoV-2 en fonction du délai après un schéma de vaccination complet (2,8,9). Leurs résultats ont été rendus publics sans relecture par des pairs.

L’une de ces études a pris en compte environ 750 000 personnes qui ont reçu une 2e dose de tozinaméran entre janvier et avril 2021 (8). Au cours des mois de juin et juillet 2021, une infection par le Sars-CoV-2 a été confirmée chez 1 911 d’entre elles. À cette période, le variant Delta était prédominant en Israël. Après prise en compte de l’âge, du sexe, du lieu de résidence et du niveau socio-économique, le risque d’infection par le Sars-CoV-2 durant les mois de juin ou juillet a semblé environ 50 % plus grand chez les personnes vaccinées en janvier ou février par rapport à celles vaccinées en mars ou avril (IC95 : 40 % à 68 %) (2,8).

L’autre étude a porté sur environ 34 000 adultes vaccinés avec 2 doses de tozinaméran et qui ont eu un test RT-PCR entre mai et juillet 2021, dont 608 personnes avec un résultat positif. Après prise en compte de l’âge, du sexe, du niveau socio-économique, et de divers facteurs de risque de formes graves de covid-19, il y a eu une augmentation du risque d’infections par un Sars-CoV-2 chez les personnes vaccinées depuis plus de 5 mois par rapport à celles vaccinées depuis moins de 5 mois (9).

Ces études, de faible niveau de preuves, n’ont pas rapporté l’évolution dans le temps du risque de formes graves de covid-19.

Quelques formes graves de covid-19 chez des personnes vaccinées, sans lien manifeste avec le délai depuis la vaccination. On dispose de peu de données quant à l’évolution de l’efficacité des vaccins covid-19 sur les formes graves de la maladie selon le délai depuis la vaccination initiale. Jusqu’à mi-août 2021, en France, les risques de morts ou de formes graves de covid-19 n’ont pas semblé résulter d’une perte d’efficacité vaccinale. Les 388 maladies covid-19 recensées chez des personnes ayant reçu un schéma vaccinal complet sont survenues dans les 6 premiers mois après la vaccination, et dans les 2 premiers mois pour la moitié d’entre elles, ce qui suggère une efficacité d’emblée insuffisante chez ces personnes. En l’absence de recueil exhaustif, ces résultats sont de faible niveau de preuves ; et ils ne tiennent pas compte de la circulation du variant Delta, qui n’était pas prédominant en France au premier semestre 2021 (2).

Une surveillance continue de l’efficacité vaccinale du vaccin tozinaméran est effectuée en Israël. Les données publiées sous forme de diapositives par le gouvernement israélien ne démontrent pas de perte d’efficacité vaccinale pour les formes graves de covid-19 recensées entre le 20 juin et le 17 juillet 2021, selon que la 2e dose de vaccin ait été administrée en janvier, février, mars ou avril 2021 (10). Avec un recul de deux semaines supplémentaires sur ces données israéliennes, une augmentation du risque de formes graves de covid-19 plus de 6 mois après la vaccination initiale n’est cependant pas exclue (11).

Des recommandations internationales disparates, et des arguments forts pour ne pas se précipiter. Durant l’été 2021, des autorités de santé nationales ou internationales ont émis des recommandations très divergentes, avec parfois des annonces d’élargissement rapide de la population-cible pour une dose de rappel. Les autorités israéliennes ont initialement recommandé une dose de rappel chez tous les adultes âgés de 40 ans ou plus, chez les soignants et chez les personnes ayant des facteurs de risque de covid-19 grave, avec un délai d’au moins 5 mois entre la fin de la vaccination initiale et la dose de rappel. Les autorités allemandes, britanniques, étatsuniennes et suédoises ont émis des recommandations proches, en préconisant une dose de rappel à partir de septembre 2021, en particulier pour les personnes immunodéprimées, les personnes âgées et les professionnels de santé. Les autorités belges et suisses ont initialement recommandé une dose de rappel uniquement chez les personnes immunodéprimées (2).

Les autorités canadiennes et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) se sont prononcées contre l’administration d’une dose de rappel en population générale. Dans un communiqué commun daté du 2 septembre 2021, l’Agence européenne du médicament (EMA) et le European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC) se sont aussi prononcés contre la mise en place d’une dose de rappel en population générale, y compris chez les personnes ayant des facteurs de risque de formes graves de covid-19 (2,12). Cette position est fondée sur un rapport technique de l’ECDC daté du 1er septembre 2021, dont la conclusion souligne qu’ « il n’y a pas de besoin urgent à administrer une dose de rappel de vaccin aux personnes complètement vaccinées dans la population générale » (13). Dans l’attente de nouvelles données montrant un intérêt d’une dose de rappel, avec pour critère principal « l’efficacité vaccinale contre les formes graves », ce rapport précise que la priorité est à donner à la vaccination des personnes qui ne sont pas encore complètement vaccinées. Cependant, l’administration d’une dose de rappel « aux personnes qui pourraient avoir une réponse immunitaire faible à la première série de doses de vaccin covid-19, telles que certaines catégories de personnes immunodéprimées (surtout les personnes ayant eu une transplantation d’organe) » est à envisager sans attendre, en complément d’une vaccination complète de leur entourage et des soignants. Selon ce rapport, début septembre 2021, la balance bénéfices-risques de l’administration d’une dose de rappel élargie à la population générale reste à préciser, tant en matière d’efficacité que d’effets indésirables, d’impact sur la confiance en la vaccination et de disponibilité des doses vaccinales dans le monde. Ce rapport évoque l’éventualité d’effets indésirables provoqués par l’administration d’une dose additionnelle, ce qui reste à évaluer. De plus, la dose adéquate de rappel reste à déterminer pour chaque vaccin (13).

Une dose de rappel du vaccin covid-19 en même temps que le vaccin contre la grippe ? Afin de simplifier le « parcours vaccinal », la HAS a proposé que le rappel de vaccin covid-19 soit effectué en même temps que le vaccin contre la grippe au cours de l’automne 2021, « sous réserve d’absence d’interférence immune significative entre les deux types de vaccins dans les études en cours » (1). Outre leur impact sur l’immunogénicité proprement dite, les conséquences de ces vaccinations concomitantes, notamment leurs effets indésirables locaux et généraux, restent à étudier (13).

En somme, une baisse de l’efficacité vaccinale au cours du temps sur les infections par le Sars-CoV-2 sans surcroît notable des formes graves de covid-19. Début septembre 2021, des données fragiles sont en faveur d’une baisse de l’efficacité des vaccins covid-19 vis-à-vis des infections par le Sars-CoV-2 dans les mois qui suivent la vaccination, notamment vis-à-vis des infections par le variant Delta. L’efficacité des vaccins, en général plus grande contre les formes graves de covid-19, ne semble pas nettement diminuée, avec un recul de quelques mois. La plupart des données sont issues d’études sur le tozinaméran, mais une baisse de l’immunité au fil du temps avec les autres vaccins est vraisemblable. Ces données semblent avoir servi de base principale aux choix par diverses autorités de santé, dont la HAS française, de recommander une dose de rappel de vaccin covid-19 plusieurs mois après un schéma de vaccination complet, sur des populations plus ou moins larges. À partir des mêmes données disponibles, des agences européennes et internationales ont émis des avis opposés. La divergence des avis reflète les grandes incertitudes qui persistent début septembre 2021 sur l’intérêt d’une dose de rappel vaccinal en population générale.

La vaccination est une mesure importante pour prévenir les maladies covid-19 symptomatiques, en particulier les formes graves. Son efficacité n’est que partielle sur la transmission du Sars-CoV-2, particulièrement dans un contexte de circulation de variants plus contagieux tels que le variant Delta. Début septembre 2021, mettre en œuvre la vaccination des personnes non vaccinées avec un schéma complet (sans rappel) et l’associer à la poursuite des autres mesures préventives, notamment les gestes barrières, restent prioritaires.

©Prescrire

Sources :

1- HAS « Covid-19 : la HAS précise les populations éligibles à une dose de rappel de vaccin » 24 août 2021 : 4 pages.

2- HAS « Avis n° 2021.0061/AC/SEESP du 23 août 2021 du collège de la Haute autorité de santé relatif à la définition des populations à cibler par la campagne de rappel vaccinal chez les personnes ayant eu une primovaccination complète contre la covid-19 » 23 août 2021 : 22 pages.

3- Nasreen S et coll. « Effectiveness of COVID-19 vaccines against variants of concern in Ontario, Canada » Site www.medrxiv.org consulté le 25 août 2021 : 34 pages.

4- Prescrire Rédaction « Tozinaméran (Comirnaty°), vaccin covid-19 ARNm-1273 (Covid-19 Vaccine Moderna°) et pandémie de covid-19. Forte réduction du risque de maladie covid-19, sans signal préoccupant d’effet indésirable » Rev Prescrire 2021 ; 41 (450) : 245-247.

5- Prescrire Rédaction « Vaccin covid-19 ChAdOx1-S (Vaxzevria°) à vecteur viral et covid-19. Efficace à court terme, mais des risques de thromboses rares parfois mortelles » Rev Prescrire 2021 ; 41 (452) : 405-407.

6- Prescrire Rédaction « Vaccin covid-19 Ad26.CoV2-S (Covid-19 Vaccine Janssen°) à vecteur viral et covid-19. Efficacité et risques voisins de ceux du vaccin covid-19 ChAdOx1-S de la firme AstraZeneca » Rev Prescrire 2021 ; 41 (453) : 485-488.

7- Thomas SJ et coll. « Six month safety and efficacy of the BNT162b2 mRNA covid-19 vaccine » Site www.medrxiv.org consulté le 25 août 2021 : 21 pages.

8- Mizrahi B et coll. « Correlation of Sars-CoV-2 breakthrough infections to time-from-vaccine : preliminary study » Site www.medrxiv.org consulté le 25 août 2021 : 11 pages.

9- Israel A et coll. « Elapsed time since BNT162b2 vaccine and risk of Sars-CoV-2 infection in a large cohort » Site www.medrxiv.org consulté le 25 août 2021 : 17 pages.

10- Ministry of Health of Israel « Vaccin effectiveness by outcome and month vaccinated with second dose, 20/6 17/7/2021 » Site www.gov.il consulté le 25 août 2021 : page 8.

11- Goldberg Y et coll. « Waning immunity of the BNT162b2 vaccine : a nationwide study from Israel » 30 août 2021. Site www.medrxiv.org consulté le 8 septembre 2021 : 21 pages.

12- European Medecines Agency « ECDC and EMA highlight considerations for additional and booster doses of covid-19 vaccines » Communiqué du 2 septembre 2021 : 3 pages.

13- ECDC « Interim public health considerations for the provision of additional covid-19 vaccine doses » Technical report, 1er septembre 2021 : 38 pages.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *