Lutte contre le paludisme: rendre le sang humain toxique pour les moustiques

 

Le FORUM E-MED nous informe
(article est très complet qui mérite d'être posté sur E-med pour 
informer des effets de l'ivermectine sur les insectes. Pascal Millet)

Contre le paludisme, rendre le sang humain toxique pour les moustiques
 Les scientifiques étudient la possibilité d’administrer à toute une
 population une molécule qui tue les anophèles.
Par Florence Rosier 
LE MONDE Le 22.04.2018 à 17h30 
http://abonnes.lemonde.fr/afrique/article/2018/04/22/contre-le-paludisme-rendre-le-sang
-humain-toxique-pour-les-moustiques_5289032_3212.html 

Pourrait-on recourir à un « traitement de masse », dans certaines 
régions, pour enrayer la transmission du paludisme ? La stratégie 
consiste à administrer à toute une population un médicament contenant
 une molécule toxique pour l’anophèle, le moustique qui  transmet le
 parasite Plasmodium falciparum, responsable de cette maladie. Lorsqu
’il pique une personne dont le sang recèle cette molécule, il meurt 
avant d’avoir pu transmettre le parasite à quelqu’un d’autre.

« Il s’agit d’un traitement à visée altruiste, relève le docteur Marc
 Thellier, du Centre national de référence du paludisme en France.
 Les personnes traitées ne sont pas personnellement protégées. En
 revanche, ce traitement de masse a un effet globalement protecteur 
sur la population : il réduit la transmission du moustique à l’homme
 dans toute une région. » 

Cette stratégie est explorée avec un médicament, l’ivermectine, 
utilisé depuis plus de trente ans dans la prise en charge de deux 
affections parasitaires répandues : la filariose lymphatique et 
l’onchocercose, ou « cécité des rivières ». L’ivermectine est  aussi
 indiquée dans le traitement des poux ou de la gale.

« En 1989, une équipe russe a découvert que cette molécule, diluée 
dans du sang, pouvait tuer une espèce d’anophèle », raconte Marc 
Thellier. Quand un moustique piquait un lapin traité par 
l’ivermectine, il mourait au bout de quelques jours.

 Le bétail aussi

La piste est un peu tombée dans l’oubli jusqu’à ce qu’on redécouvre
 cet effet sur le terrain. En 2011, une étude a ainsi montré, dans le
 sud-est du Sénégal, que le taux d’infection par Plasmodium falciparum
 chutait au sein des populations qui avaient reçu de l’ivermectine 
contre la cécité des rivières. Cet effet concernait le paludisme 
transmis par l’espèce Anopheles gambiae. Ce médicament « pourrait 
être un outil puissant et synergique pour réduire la transmission du
 paludisme dans les régions épidémiques », concluaient les auteurs, 
issus de l’université du Colorado et du ministère sénégalais  de la 
santé.

En 2014, cet effet a été confirmé dans des villages du Sénégal, du 
Liberia et du Burkina Faso. Mais les questions posées restaient 
nombreuses. L’ivermectine serait-elle efficace contre les principales
 espèces de moustiques qui transmettent le parasite, différentes  
selon les régions du monde ? Quelles seraient, par ailleurs, les 
régions qui en bénéficieraient le plus ? Et selon quelles modalités 
d’administration : à quelle dose traiter les populations, combien de
 fois et à quel rythme ?

Selon les dernières études, parues en 2017, « il semblerait qu’il 
faille traiter régulièrement les gens pour limiter durablement la 
transmission, car la molécule est très efficace dans la première 
semaine qui suit la prise puis l’effet s’estompe  et disparaît au 
bout de quelques semaines », précise Marc Thellier.

Pour l’heure, il est trop tôt pour que l’Organisation mondiale de la
 santé (OMS) recommande ce traitement de masse. « Certains experts 
pensent que c’est une stratégie intéressante. Il pourrait être utile
 de l’appliquer aussi au bétail ciblé par certaines espèces de 
moustiques », indique Marc Thellier.
 
Questions éthiques

Un autre traitement de masse contre le paludisme, à base de 
primaquine, est déjà recommandé par l’OMS. La primaquine est indiquée
 dans le traitement des « accès de reviviscence » (une résurgence de
 la maladie à partir de cellules infectées dormantes) de  certaines
 espèces de paludisme : elle détruit les cellules dormantes du 
parasite, réfugié dans le foie des sujets infectés. « Mais en plus 
de cette action, on s’est aperçu que la primaquine pouvait bloquer 
le développement de Plasmodium falciparum chez le moustique en 
empêchant la fusion de ses gamètes », explique Marc Thellier.

L’OMS recommande son utilisation en administration unique, faiblement
 dosée, chez tous les gens qui font un accès de paludisme. « C’est en
 Asie du Sud-Est que ce traitement est le plus utilisé, parce que 
l’enjeu est crucial : il s’agit de limiter la diffusion du parasite 
dans une région où Plasmodium falciparum développe des résistances 
aux traitements actuels. » En Amérique du Sud aussi, cette 
recommandation est plus ou moins bien suivie. En Afrique, elle est
 plus compliquée à mettre en œuvre.

Ces stratégies soulèvent aussi des questions éthiques. On donne un 
médicament à des personnes qui n’en ont pas directement besoin pour 
leur propre santé : il faut donc s’assurer de son innocuité. 
Concernant la primaquine, ce médicament peut entraîner des  anémies
 parfois sévères chez les personnes génétiquement déficitaires en 
une enzyme, la G6PD. Mais l’OMS juge ce risque peu élevé au vu des 
faibles doses de primaquine administrées.

L’ivermectine, de son côté, semble avoir très peu d’effets 
indésirables. Elle agit en bloquant certaines voies nerveuses et
 musculaires des invertébrés, entraînant une paralysie neuromusculaire
 qui tue les moustiques et d’autres parasites. Mais elle épargne  ces
 systèmes chez les mammifères – donc chez l’homme. Plus de trente ans
 d’utilisation en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud ont confirmé
 sa bonne tolérance.

Présentation de notre association ANIMA sur ce blog en date du 
21/12/2012.
  

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