Médicaments essentiels : un concept toujours d’actualité

 Par l’intermédiaire du forum ReMed, (toujours très actif pour permettre le dialogue entre les intervenants essentiellement au niveau de l’Afrique) et de la revue Prescrire, (seule revue médicale française non assujettie à la publicité et ne vivant que par ses abonnés) nous revenons sur le concept de MÉDICAMENTS ESSENTIELS.
Rev Prescrire 2012 ; 32 (345) : 484-486
http://www.prescrire.org/fr/2/100/47938/0/PositionDetails.aspx

Célébré par les uns, vilipendé par les autres dès sa publication par
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1977, le concept de médicaments
essentiels a résisté à l’épreuve du temps...

Médicaments essentiels

Loin d’être une idée simpliste applicable aux seuls pays démunis, le concept
de médicaments essentiels trouve sa place non seulement dans la gestion
collective de la santé, mais aussi dans l’exercice individuel de la médecine
et de la pharmacie, et en toutes situations.

Un concept matérialisé par une liste de médicaments essentiels de référence:
Le concept de base des médicaments essentiels fait appel à un constat simple
: un nombre limité de médicaments, efficaces et sûrs, de bonne qualité et à
prix raisonnables, permet de répondre aux besoins de santé prioritaires du
plus grand nombre. Ce fut cette stratégie que le Directeur général de l’OMS
a proposé à l’Assemblée mondiale de la santé de 1975, en vue de résoudre les
problèmes posés par les médicaments dans les pays démunis.

Des précurseurs avaient déjà cherché à rationaliser la pléthore de
médicaments qui envahissaient les marchés, notamment en Égypte dès les
années 1950, au Sri Lanka en 1960, ou au Mozambique en 1975. L’expérience
acquise dans ces pays a contribué à la définition du concept de médicaments
essentiels, matérialisé dans la publication par l’OMS en 1977 d’une « liste
modèle » de médicaments essentiels.

Une liste adaptée, recouvrant les besoins prioritaires:

La sélection de la liste avait été confiée à un Comité d’experts, universitaires ou praticiens de la médecine et de la pharmacie, de tous les continents. Le Comité
considérait cette liste comme indicative, « une tentative provisoire en vue
de dégager un « tronc commun » de besoins fondamentaux ayant une portée et une
applicabilité universelles. […] Toutefois, la notion de « liste de
médicaments essentiels » doit tenir compte de la diversité des situations
locales, si l’on veut qu’elle puisse répondre aux besoins sanitaires réels
du plus grand nombre » (…).

Leçons pour le présent et l’avenir, et dans tous les pays:
Le concept de médicaments essentiels a « également une valeur inestimable
pour les pays industrialisés, où l’accroissement du coût des médicaments
représente une charge de plus en plus considérable » : cette déclaration
faite par le Directeur de l’OMS en 1977 avait scandalisé la Fédération
internationale de l’industrie du médicament. Aujourd’hui, à l’heure des
médicaments génériques et de la régulation des dépenses pharmaceutiques,
cette affirmation est partout admise. L’histoire des médicaments essentiels
dans les pays démunis est devenue une source d’enseignements utiles pour
tous les pays (…).

« Usage rationnel », un mode de pensée à acquérir:

Des prescriptions irrationnelles ont été mises en évidence par de nombreuses études réalisées dans des pays industrialisés et dans des pays démunis. Il est certain qu’il est difficile de modifier des habitudes de prescription médicale ou de
conseil officinal, acquises de longue date. Il faudrait donc « immuniser les
étudiants contre les influences qu’ils vont probablement rencontrer dans
leur vie professionnelle, telles que la pression du patient, la promotion
des médicaments et la prescription irrationnelle de leurs pairs », ce que ne
fait pas l’enseignement classique (…).

Le critère de besoin thérapeutique:

Selon les recommandations de l’OMS publiées en 1977, les nouveaux médicaments ne sont à inclure dans la liste « que s’ils présentent un net avantage par rapport aux substances sélectionnées antérieurement » (…).

Actuellement, le critère de besoin thérapeutique n’est guère pris en compte
pour les autorisations de mise sur le marché, accordées par les agences
française, européenne et américaine du médicament (…).

Il reste encore du chemin à parcourir pour que l’usage rationnel des
médicaments soit l’objectif principal des politiques pharmaceutiques, au
Nord comme au Sud.

©Prescrire 2012

Rev Prescrire 2012 ; 32 (345) : 484-486.

Tiré de : Rev Prescrire 2001 ; 21 (215) : 226-229.

Présentation de notre association ANIMA en date du 23 décembre sur ce blog.

 

Comments

  1. Par l’intermédiaire du forum ReMed ce commentaire du Professeur Helali d’Alger que nous vous soumettons:

    Bravo pour cette présentation du médicament essentiel par la Revue
    Prescrire qui signe encore une fois son indépendance, mais je trouve
    qu’il faut la compléter par d’autres données qui ont vu le jour après
    1977, date de sa création (particulièrement vers le début de l’an 2000).

    Le médicament essentiel est devenu une réponse locale et non
    transversale (donc nationale, la liste de l’OMS devrait être adaptée à
    chaque pays) aux problèmes de santé de chaque pays et la liste des
    médicaments essentiels publiée par l’OMS est une Liste Modèle c’est à
    dire « une orientation » du Comité d’experts de l’OMS que les pays peuvent
    adapter selon leurs problèmes spécifiques, c’est la première réponse aux
    détracteurs qui ont vu dans la liste OMS une intrusion dans « leur
    commercial » ce qui risque de perturber le travail en publicité des
    firmes pharmaceutique. Le deuxième apport qui a été un coup de grâce aux
    détracteurs de la Liste Modèle des Médicaments Essentiels de l’OMS a été
    l’option prise en 2002 par l’Organisation mondiale de sélectionner par
    les preuves publiées sur les bénéfices des médicaments à inscrire sur sa
    liste modèle officielle. La liste des médicaments essentiels de l’OMS
    est devenue un repère dans un monde thérapeutique en quête de nouveaux
    repères devant un marketing aggressif des « me too » des firmes
    pharmaceutiques. Elle devrait être au minimum inscrite dans les
    programmes enseignés dans les facultés de médecine et de pharmacie, et
    au mieux disponible dans les unités de soins de santé primaire publiques
    (polycliniques et centres de santé). Personnellement, je pense que la
    liste des médicaments essentielle doit être une source d’inspiration
    méthodologique pour les sélectionneurs de médicaments dans les unités de
    soins, pour enseigner la pharmacologie et la thérapeutique dans les
    facultés (ce que nous faisons à la faculté de médecine d’Alger). Tout le
    monde gagnera à connaître le besoin minimum vital en thérapeutique, ce
    n’est pas un problème de pays pauvres seulement, mais de droit de
    l’individu pour la sauvegarde de sa santé en imposant moins de
    sacrifices financiers à la société. La santé a un coût, contrôler les
    dépenses donne plus de chances à tous et cela n’a pas de prix. A quand
    le prix Nobel pour l’invention du paradigme « médicament essentiel » par
    l’OMS?

    A. Helali
    Professeur de pharmacologie clinique, Expert OMS
    Directeur du Centre National de Pharmacovigilance et de
    Matériovigilance
    Chemin du Petit Staouéli
    Dely Ibrahim
    16000 Alger

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