Deuxième rappel vaccinal covid-19 chez certaines personnes âgées : un regain probable d’efficacité vis-à-vis du variant Omicron, mais avec très peu de recul

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Mi-mars 2022, en France, la Direction générale de la santé (DGS) a préconisé d’administrer un 2e rappel avec un vaccin covid-19 à ARN messager chez les personnes âgées de 80 ans ou plus, et chez celles vivant en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou en unités de soins de longue durée (1). La Haute autorité de santé (HAS) a proposé d’envisager ce 2e rappel vaccinal aussi dès l’âge de 65 ans chez les patients à risque élevé de formes graves de covid-19 (2).

Ces préconisations ont été émises dans un contexte de circulation persistante du virus Sars-CoV-2 en France, avec quasi exclusivement du variant Omicron. Par rapport aux principaux variants connus, le variant Omicron se caractérise par une contagiosité très élevée et un moindre risque de formes graves de covid-19 (lire ici)(3,4). Cependant, le risque de formes graves avec le variant Omicron reste notable chez les personnes les plus âgées. Dans une étude réalisée sur divers registres de santé français, dont les résultats ont été rendus publics sans relecture par des pairs, le risque de formes graves de covid-19 liées au variant Omicron a été : environ 9 fois plus faible qu’avec le variant Delta chez les personnes âgées de 40 à 64 ans, 5 fois plus faible chez celles âgées de 65 à 79 ans, et seulement 2 fois plus faible chez celles âgées de 80 ans ou plus (5).

Fin mars 2022, quelles sont les données d’évaluation clinique qui justifient de préconiser un 2e rappel vaccinal aux personnes vivant en institution ou âgées de 80 ans ou plus, voire dès l’âge de 65 ans pour les patients à risque élevé de formes graves de covid-19 ?

Après un 1er rappel vaccinal, une efficacité qui semble maintenue en prévention des formes graves liées au variant Omicron, avec un recul d’environ 4 mois. Dans un contexte de prédominance du variant Delta du Sars-CoV-2, selon les données disponibles fin novembre 2021, un 1er rappel vaccinal avec le tozinaméran (Comirnaty°) avait une efficacité en prévention des formes graves de covid-19 dans les semaines suivant son administration, en particulier chez les personnes âgées de 70 ans ou plus (lire ici)(6).

Fin mars 2022, vis-à-vis du variant Omicron, de nouvelles données épidémiologiques d’évaluation de l’efficacité de ce 1er rappel vaccinal ont été rendues publiques (pour la plupart avec le tozinaméran) (7à9). D’après les résultats de diverses études épidémiologiques, l’efficacité préventive d’un 1er rappel vaccinal a semblé plus faible vis-à-vis du variant Omicron que vis-à-vis du variant Delta. Dans une étude britannique, après un 1er rappel vaccinal, le risque de formes graves de covid-19 liées au variant Omicron est resté stable avec une réduction d’au moins 70 % par rapport à l’absence de vaccination durant au moins 3 mois (9). Un déclin progressif de l’efficacité vis-à-vis du variant Omicron a été observé pour les infections symptomatiques par le Sars-CoV-2, avec un risque réduit seulement de moitié environ 10 à 14 semaines après un 1er rappel vaccinal, sans différence notable entre les sous-lignages BA.1 et BA.2 du variant Omicron (8).

Des résultats semblables ont été observés en France, selon une étude de données extraites le 1er février 2022 sur divers registres de santé français, soit moins de 4 mois après le début de la campagne d’administration d’un 1er rappel vaccinal. Dans la tranche d’âge de 80 ans ou plus, vis-à-vis du variant Omicron, les risques d’hospitalisation et de séjour en service de soins intensifs ont été réduits d’environ 75 % après un 1er rappel vaccinal, versus 90 % vis-à-vis du variant Delta. Le risque de mort a été réduit d’environ 90 % vis-à-vis de chacun des variants (10).

Efficacité clinique d’un 2e rappel vaccinal chez des personnes âgées : de premières données israéliennes d’efficacité, avec quelques semaines de recul seulement. Une étude a été menée en Israël, à partir de diverses bases de données, pour évaluer l’efficacité préventive d’un 2e rappel vaccinal avec le tozinaméran. Les résultats de cette étude ont été rendus publics sans relecture par des pairs. En Israël, un 2e rappel vaccinal a été proposé à partir du 3 janvier 2022, au moins 4 mois après le 1er rappel vaccinal, notamment aux personnes âgées de 60 ans ou plus. Cette étude a porté sur une très courte période, du 15 au 27 janvier 2022, au cours de laquelle le variant Omicron du Sars-CoV-2 était prédominant en Israël (11).

Les fréquences de survenue des infections documentées par le Sars-CoV-2 et des formes graves de covid-19 ont été évaluées chez les adultes âgés de 60 ans ou plus (environ 1 million de personnes), en comparant ceux ayant reçu un 2e rappel vaccinal depuis au moins 12 jours avec ceux ayant reçu au moins 4 mois auparavant un seul rappel vaccinal. Selon les analyses rendues disponibles, les infections par le Sars-CoV-2 documentées ont été environ 2 fois moins fréquentes chez les personnes âgées de 60 ans ou plus qui avaient reçu un 2e rappel vaccinal. Le risque de formes graves de covid-19 a paru environ 4 fois moindre, mais avec une grande marge d’incertitude. Selon nos calculs, à partir des données dans les divers sous-groupes disponibles, le regain d’efficacité conféré par un 2e rappel vaccinal en prévention des formes graves de covid-19 a semblé plus marqué chez les personnes les plus âgées (11). La durée de la protection vaccinale conférée par ce 2e rappel vaccinal est inconnue puisque son évaluation repose sur des données collectées avec très peu de recul (moins de 2 semaines).

Une autre étude israélienne a évalué la mortalité chez environ 560 000 personnes âgées de 60 ans ou plus, après qu’elles aient reçu ou non un 2e rappel vaccinal, sur une période épidémique de 40 jours avec une circulation prédominante du variant Omicron. Des résultats ont été rendus publics sans relecture par des pairs. Par rapport aux personnes n’ayant reçu qu’un seul rappel vaccinal, la mortalité de celles ayant reçu un 2e rappel a été moindre, de façon statistiquement significative : avec réduction du risque de mort de l’ordre de 80 % quelles que soient les tranches d’âge étudiées, après prise en compte de certaines caractéristiques cliniques susceptibles d’influencer la mortalité (12).

Par ailleurs, d’après les résultats d’un essai clinique non randomisé mené en Israël chez des professionnels de santé en activité, il n’y a pas eu de différence d’efficacité notable d’un 2e rappel vaccinal avec le tozinaméran dosé à 30 microg d’ARN messager ou avec l’élasoméran (Spikevax°) dosé à 50 microg d’ARN messager. Le choix du vaccin à administrer dépendait de la semaine d’inclusion dans l’essai, et les témoins étaient choisis parmi les personnes éligibles avec des caractéristiques correspondant à celles incluses (13).

Ces données israéliennes d’évaluation n’apportent pas d’information sur les évènements indésirables survenus après l’administration d’un 2e rappel vaccinal. Dans son avis daté du 17 mars 2022, la HAS a précisé que des « données préliminaires mais confidentielles (…) ne montrent pas de signaux potentiels particuliers de sécurité suite à la quatrième dose (deuxième rappel). À ce jour, il n’y a pas encore de données de sécurité disponibles au niveau européen » (2).

Des recommandations divergentes, qui témoignent des nombreuses inconnues. Concernant l’administration d’un 2e rappel vaccinal, la DGS préconise de l’administrer après un délai d’au moins 3 mois suivant le 1er rappel : soit avec le tozinaméran dosé à 30 microg d’ARN messager dans 0,3 ml de solution, ce qui équivaut à la dose utilisée pour de la vaccination initiale chez les adultes ; soit avec l’élasoméran dosé à 50 microg d’ARN messager dans 0,25 ml de solution, ce qui équivaut à la moitié de la dose utilisée pour la vaccination initiale chez les adultes (1). Au vu des mêmes données, la HAS a choisi de préconiser un délai de 6 mois minimum entre le 1er et le 2e rappel vaccinal (2).

La diversité des recommandations émises par les autorités de santé nationales, y compris par diverses agences d’un même pays comme ce fut le cas initialement en Israël, témoigne du manque de données solides pour déterminer une stratégie vaccinale concernant un éventuel 2e rappel de vaccin covid-19 (7,14).

Fin mars 2022, dans de nombreux pays, un 2e rappel vaccinal est recommandé en particulier chez les patients immunodéprimés (2,7,14à16). En France, c’est le cas depuis fin janvier 2022 pour les patients ayant une immunodépression sévère, notamment en raison d’une greffe, d’une hémopathie lymphoïde ou de la prise de certains médicaments (17). Plus rares sont les agences de santé qui recommandent un 2e rappel vaccinal chez les personnes fragilisées en raison d’un âge avancé : c’est le cas notamment en Allemagne, au Royaume-Uni, en Israël, comme ça l’est devenu en France (2,7,14à16).

En somme, fin mars 2022, un regain d’efficacité plausible à très court terme après un 2e rappel vaccinal en prévention des formes graves de covid-19. Fin mars 2022, l’efficacité préventive des vaccins à ARN messager tel que le tozinaméran semble moindre vis-à-vis du variant Omicron que vis-à-vis d’autres variants, mais paraît maintenue pour les formes graves de covid-19 au moins 4 mois après l’administration d’un 1er rappel vaccinal. D’après les résultats disponibles de deux études épidémiologiques israéliennes, un 2e rappel avec le tozinaméran semble apporter, avec un recul de 2 à 4 semaines, un regain d’efficacité en prévention des formes graves, voire mortelles, de covid-19 chez les personnes âgées de 60 ans ou plus, et peut-être de façon plus marquée chez celles âgées de 80 ou plus. Cependant, divers éléments utiles à la décision sont inconnus, notamment : l’éventuel intérêt du 2e rappel vaccinal chez certains patients à risque élevé de formes graves de covid-19 ; la durée de protection conférée par ce 2e rappel vaccinal ; le délai optimal entre les deux rappels ; la fréquence des effets indésirables liée à la répétition des rappels. Ces incertitudes expliquent la divergence des recommandations émises par les autorités de santé nationales et laissent une grande marge d’appréciation selon les situations.

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Sources :

1- Direction générale de la santé « Lancement de la campagne de deuxième rappel pour les résidents d’Ehpad et d’USLD et les personnes âgées de 80 ans et plus » 14 mars 2022 : 2 pages.

2- HAS « Avis n° 2022.0016/AC/SESPEV du 17 mars 2022 du collège de la Haute autorité de santé relatif à la place d’un deuxième rappel des vaccins contre la covid-19 dans la stratégie vaccinale » mis en ligne le 18 mars 2022 : 17 pages.

3- Prescrire Rédaction « Dans l’actualité Variant Omicron du Sars-CoV-2 : début 2022, moins de formes graves qu’avec le variant Delta mais une efficacité vaccinale plus faible » 4 janvier 2022.

4- Santé publique France « Covid-19. Point épidémiologique du 24 mars 2022 ». Site www.santepubliquefrance.fr consulté le 28 mars 2022 : 7 pages.

5- Auvigne V et coll. « Severe hospital events following symptomatic infection with Sars-CoV-2 Omicron and Delta variants in France, December 2021 January 2022 : a retrospective, population-based, matched cohort study » Site www.medrxiv.org consulté le 28 mars 2022 : 13 pages.

6- Prescrire Rédaction « Dans l’actualité Dose de rappel de vaccin covid-19 : une efficacité clinique démontrée dans un contexte de variant Delta, sans nouveau signal d’effets indésirables » 30 novembre 2021.

7- Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale « Opportunité de la mise en place d’une seconde dose de rappel vaccinal » Avis du 19 janvier 2022 : 22 pages.

8- UK Health Security Agency « Covid-19 vaccine surveillance report. Week 12 ». Site www.gov.uk mis à jour le 24 mars 2022 : 59 pages.

9- Nyberg T et coll. « Comparative analysis of the risks of hospitalisation and death associated with Sars-CoV-2 Omicron (B.1.1.529) and Delta (B.1.617.2) variants in England : a cohort study » Lancet 2022 : 10 pages + supplementary appendix : 23 pages.

10- Drees « La vague Omicron a d’abord frappé les régions du Nord-Ouest, pour les cas puis pour les hospitalisations. Appariements entre les bases SI-VIC, SI-DEP et VAC-SI » 4 février 2022 : 34 pages.

11- Bar-On YM et coll. « Protection by 4th dose of BNT162b2 against Omicron in Israel » Site www.medrxiv.org consulté le 28 mars 2022 : 18 pages.

12Arbel R et coll. « Second booster vaccine and covid-19 mortality in adults 60 to 100 years old » Site internet researchsquare.com consulté le 28 mars 2022 : 13 pages.

13- Regev-Yochay G et coll. « Efficacy of a fourth dose of covid-19 mRNA vaccine against Omicron » N Engl J Med 2022 ; en ligne : 3 pages + protocol : 68 pages + supplementary appendix : 28 pages.

14- Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale « Opportunité de la mise en place d’une seconde dose de rappel vaccinal » Addendum du 18 février 2022 à l’avis du 19 janvier 2022 : 8 pages.

15- UK Health Security Agency « Covid-19 vaccination programme. Information for healthcare practitioners » Site www.gov.uk mis à jour le 10 mars 2022 : 71 pages.

16- Public Health England « Chapter 14a. Covid-19 Sars-CoV-2 ». In : « The Green Book. Immunisation against infectious disease » Site www.gov.uk mis à jour le 28 février 2022 : 49 pages.

17- Direction générale de la santé « Vaccination contre la covid-19 des personnes sévèrement immunodéprimées et de l’entourage des personnes à risque de formes graves de la maladie » 28 janvier 2022 : 6 pages.

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