Vaccin covid-19 ChAdOx1 nCoV-19 (firme AstraZeneca) : beaucoup d’incertitudes autour de l’ampleur de son efficacité

La revue « PRESCRIRE » fait le point sur le vaccin proposé par AstraZeneca:

 Dans l’actualité  Fin janvier 2021, le vaccin covid‑19 ChAdOx1 nCoV-19 de l’université d’Oxford et de la firme AstraZeneca est annoncé dans l’Union européenne. Il s’agit d’un vaccin dit à vecteur viral, ce qui est différent des deux premiers vaccins covid-19 autorisés en Europe, qui sont des vaccins à ARN messager. Mais comme eux, il vise à provoquer une réaction immunitaire contre une protéine de surface du virus Sars‑CoV‑2, dite protéine spike. Fin janvier 2021, quelles sont les principales données d’évaluation clinique de ce vaccin ?

Fin janvier 2021, le vaccin covid‑19 ChAdOx1 nCoV-19 de l’université d’Oxford et de la firme AstraZeneca est annoncé dans l’Union européenne. Il s’agit d’un vaccin dit à vecteur viral. Cela le distingue des vaccins covid-19 à ARNm (acide ribonucléique messager) déjà autorisés dans l’Union européenne : le tozinaméran (Comirnaty°) des firmes Pfizer et BioNTech, et le vaccin Sars-CoV-2 ARNm-173 (Vaccin Covid-19 Moderna°) de la firme Moderna

Fin janvier 2021, quelles sont les principales données d’évaluation clinique du vaccin ChAdOx1 nCoV-19 ?

Un virus modifié pour transporter un gène. Dans un vaccin dit à vecteur viral, le vecteur est un virus peu ou non pathogène, dont le génome est modifié par l’insertion du gène codant pour la protéine virale contre laquelle on souhaite déclencher une réponse immunitaire. Après l’injection du vaccin, le vecteur viral pénètre dans des cellules humaines. Ces cellules synthétisent alors les protéines codées par le génome viral modifié, dont la protéine contre laquelle on souhaite une immunisation (1,2).

Les adénovirus sont des virus à ADN (acide désoxyribonucléique), qui infectent naturellement les cellules des êtres humains et des primates. Il est possible de les utiliser comme vecteurs viraux, en choisissant de préférence un adénovirus rare chez l’Homme, afin de diminuer le risque que les personnes recevant ce vecteur soient déjà immunisées contre lui. Une telle immunisation entrave la pénétration du vecteur viral, et est un facteur de moindre efficacité d’un vaccin à vecteur viral.

Dans le vaccin ChAdOx1 nCoV-19, le vecteur viral choisi est un adénovirus de chimpanzé génétiquement modifié afin de diminuer fortement sa réplication. Ce vecteur est nommé virus ChAdOx1. Le recul d’utilisation sur ce vecteur viral chez les êtres humains est limité à quelques essais cliniques (1,3,4).

Dans le vaccin ChAdOx1 nCoV-19, le gène d’une protéine de surface du virus Sars-CoV-2, dite protéine spike, est introduit dans le génome du vecteur viral (4). Les vaccins à ARNm, tozinaméran et vaccin Sars-CoV-2 ARNm‑1273, entraînent eux aussi la production par la personne vaccinée de cette protéine du Sars-CoV-2 pour déclencher l’immunisation (5,6).

Environ 21 000 personnes incluses dans les essais, mais des données fragiles. Fin janvier 2021, l’évaluation de l’efficacité clinique du vaccin ChAdOx1 nCoV-19 repose principalement sur une analyse groupée de deux essais comparatifs randomisés, chez au total environ 21 000 personnes âgées de 18 ans ou plus, sans antécédent connu de covid‑19 (4,7). Les groupes témoins devaient recevoir un vaccin méningococcique. L’emploi d’un autre vaccin dans les groupes témoins, et non d’un placebo, avait pour objectif de diminuer le risque que les participants devinent, à partir des effets indésirables, ce qui leur avait été injecté.

Les protocoles de ces essais prévoyaient initialement une seule injection. Les premières données d’immunogénicité ont ensuite conduit, mi-2020, à ajouter une autre injection, 28 jours après la première. Mais en réalité, chez la majorité des participants, la seconde injection a été effectuée plus de 6 semaines après la première injection, avec souvent un délai supérieur à 12 semaines (4). D’autre part, dans un essai, le groupe témoin a reçu du sérum physiologique à la place du vaccin méningococcique lors de la seconde injection (4).

Ces essais ont été effectués en simple aveugle : les investigateurs avaient connaissance du produit injecté, mais pas les participants. La connaissance par les investigateurs du vaccin administré diminue le niveau de preuves des résultats (7).

Ces essais ont été réalisés au Royaume-Uni et au Brésil, avant l’identification de certains variants du virus Sars-CoV-2 isolés à partir de décembre 2020, notamment dans ces pays (7).

Les données rendues publiques pour l’analyse de l’efficacité n’ont pris en compte qu’environ la moitié des participants (11 600 personnes). Les motifs d’exclusion d’une part importante des données de l’analyse ont été divers : test sérologique positif au covid-19 à l’inclusion ; absence de seconde injection ; suivi inférieur à 15 jours après la seconde injection ; diagnostic d’une maladie covid-19 dans les 15 jours suivant la seconde injection. Certains participants ont reçu le vaccin méningococcique lors de la première injection puis le vaccin ChAdOx1 nCoV-19 lors de la seconde injection : ils ont été aussi écartés de l’analyse (4). La non-prise en compte d’environ la moitié des participants dans l’analyse de l’efficacité fragilise fortement ces résultats.

Grandes incertitudes autour de l’ampleur de l’effet préventif. L’âge moyen des 11 600 participants pris en compte dans l’analyse de l’efficacité était de 41,5 ans. 12 % étaient âgés de plus de 55 ans, et environ 6 % seulement étaient âgés de 65 ans ou plus (660 participants). 36 % avaient au moins un facteur de risque de covid-19 grave autre que l’âge, le plus souvent une obésité (20 %), un asthme ou une hypertension artérielle (4). 78 % des participants étaient des professionnels de santé ou des travailleurs sociaux (7).

L’efficacité a été évaluée en recensant à partir du 15e jour après la seconde injection les cas de covid-19 symptomatiques confirmés biologiquement (4). Après un suivi d’au moins deux mois après la seconde injection pour la moitié des patients, il y a eu 37 cas de maladie covid-19 dans les groupes vaccin versus 112 cas dans les groupes témoins, soit une réduction relative du risque de maladie covid-19 de 67 %, avec un intervalle de confiance à 95 % (IC95) allant de 52 % à 77 % (7). Un effet préventif du vaccin ChAdOx1 nCoV-19 a semblé apparaître environ 3 semaines après la première injection (4). Ces résultats montrent plus d’incertitudes autour de l’ampleur de l’efficacité avec le vaccin ChAdOx1 nCoV-19 qu’avec les vaccins à ARNm déjà autorisés Certains patients des groupes vaccin ChAdOx1 nCoV-19 ont reçu lors de la première injection une demi-dose, par erreur. Une plus grande efficacité du vaccin a été évoquée chez ces participants. Mais des facteurs de confusion invalident cette analyse. Ainsi, les patients qui ont reçu la demi-dose étaient plus jeunes que ceux qui ont reçu la dose entière ; ils avaient moins de risques de contracter la maladie du fait d’une circulation moindre du virus dans leur environnement (4,7).

Très peu de données sur les formes graves de covid-19. Dans l’analyse ayant inclus les 11 600 participants, aucun participant des groupes vaccins n’a eu de maladie covid-19 considérée comme grave, versus 2 participants dans les groupes témoins. Le nombre de participants hospitalisés à cause d’une maladie covid-19 a été de 2 dans les groupes vaccins (dans les 10 jours suivant la première injection) versus 16 dans les groupes témoins (4). Ces faibles nombres de cas font que l’efficacité du vaccin ChAdOx1 nCoV-19 pour prévenir les formes graves de covid-19 n’est pas démontrée, même si elle paraît probable.

Chez les patients ayant un facteur de risque de covid-19 grave, la diminution relative du risque de maladie covid-19 a semblé du même ordre de grandeur que chez les autres patients (4).

Ces essais n’ont pas été conçus pour évaluer l’efficacité du vaccin ChAdOx1 nCoV-19 chez les personnes âgées de plus de 65 ans ou plus, qui n’ont été que 660 à être prises en compte dans l’analyse des résultats, dont deux ont eu une maladie covid-19 (4).

Fin janvier 2021, un essai randomisé versus placebo en double aveugle est en cours chez environ 30 000 adultes. Des résultats sont annoncés pour mars 2021 (8).

Prudence chez les personnes immunodéprimées. Les principaux effets indésirables prévisibles d’un vaccin à vecteur viral sont ceux des vaccins en général, notamment des réactions locales au site d’injection et des réactions systémiques. Une aggravation d’une éventuelle infection par le Sars-CoV-2 par le vaccin est une hypothèse à prendre en compte, vu ce qui a été observé dans certaines études animales avec un vaccin coronavirus Sars‑CoV‑1 (5). Parmi les 37 patients atteints de maladie covid-19 après avoir reçu le vaccin ChAdOx1 nCoV-19, deux ont été hospitalisés ; aucune évolution n’a été considérée comme grave (4,7).

Une infection par le vecteur viral ne peut être totalement exclue. Cette éventualité devrait être moins probable avec un virus modifié pour réduire fortement sa réplication. Les infections à adénovirus sont le plus souvent bénignes chez les êtres humains en bonne santé par ailleurs. Des infections à adénovirus humain ont parfois été graves chez des patients immunodéprimés (9).

L’immunodépression et les traitements immunodépresseurs chroniques étaient des critères de non-inclusion dans les essais (4).

Effets indésirables locaux et systémiques fréquents. Pour l’évaluation des effets indésirables du vaccin ChAdOx1 nCoV‑19, l’Agence britannique du médicament (MHRA) a pris en compte les données de quatre essais comparatifs (dont les deux essais présentés ci-dessus), chez environ 24 000 personnes (4). Dans ces essais, la plupart des participants des groupes témoins ont reçu un vaccin méningococcique, ce qui tend à diminuer les différences de fréquence des effets indésirables communs aux vaccins. Dans ces essais, des réactions locales dans les 7 jours suivant une injection ont été rapportées par 75 % des participants dans les groupes vaccin ChAdOx1 nCoV‑19 versus 50 % dans les groupes témoins, avec des douleurs, des gonflements, des rougeurs, des démangeaisons. La fréquence des réactions locales intenses a été de 10 % versus 6 % (4).

Des événements indésirables systémiques dans les 7 jours suivant l’injection ont été rapportés par 73 % des participants dans le groupe vaccin ChAdOx1 nCoV‑19 versus 60 % dans les groupes témoins, avec une fréquence des réactions considérées comme intenses de 8 % versus 3 %. Les réactions systémiques rapportées ont été de la fièvre, des frissons, des douleurs articulaires et musculaires, des fatigues, des céphalées, des malaises, des nausées (4). Il n’y a pas eu d’allergie grave au vaccin rapportée au cours des essais (4). Les antécédents d’angiœdème ou de réaction anaphylactique étaient des critères de non-inclusion (4). Parmi les excipients du vaccin, on trouve du polysorbate 80, mais pas de polyéthylène glycol (PEG) (10).

Un diagnostic de myélite (inflammation de la moelle épinière) a été porté chez un participant de chaque groupe quelques semaines après la vaccination. Des paralysies faciales ont aussi été rapportées, 3 dans chaque groupe (4). L’Agence britannique du médicament a annoncé qu’elle porterait une attention particulière à la survenue de tels effets indésirables après la commercialisation du vaccin ChAdOx1 nCoV‑19 au Royaume-Uni, qui est effective depuis décembre 2020 (4). Mi-janvier 2021, aucun bilan de pharmacovigilance n’a été rendu public.

Un flacon multidoses à conserver entre 2 °C et 8 °C. Le vaccin ChAdOx1 nCoV‑19 est commercialisé sous forme de solution injectable en flacon multidoses, ce qui expose à des erreurs, notamment l’injection de plusieurs doses en une fois chez une seule personne (10).

Ce vaccin se conserve au réfrigérateur, entre 2 °C et 8 °C. La solution est prête à l’emploi, sans dilution. Après prélèvement de la première dose, le contenu du flacon doit être utilisé dans les 6 heures, sans être exposé à une température supérieure à 25 °C (10).

En pratique, fin janvier 2021, plus d’incertitudes avec ce vaccin qu’avec les deux premiers vaccins autorisés dans l’Union européenne. Fin janvier 2021, les principales données d’évaluation clinique du vaccin ChAdOx1 nCoV‑19 apportent quelques repères pour aider les personnes visées par la vaccination, dans l’attente d’une analyse approfondie et d’autres données :

  • le niveau de preuves des données est globalement faible, entre autres parce que les essais ne se sont pas déroulés comme prévu, et que les données d’efficacité clinique rendues publiques ne portent que sur environ la moitié des participants aux essais ;
  • dans les essais, la diminution relative du risque d’être atteint d’une maladie covid-19 a été d’environ 70 % dans les groupes vaccin ChAdOx1 nCoV‑19, avec une incertitude autour de l’ampleur de l’efficacité plus grande qu’avec les deux vaccins à ARNm déjà autorisés. Une réduction de la fréquence de covid-19 grave est vraisemblable mais non démontrée ;
  • 36 % des participants avaient au moins un facteur de risque de covid-19 grave autre que l’âge, mais l’incertitude autour de l’ampleur de l’efficacité chez eux est encore plus grande que pour l’ensemble des participants. Seulement 6 % environ des participants étaient âgés de 65 ans ou plus ;
  • les effets indésirables connus du vaccin ChAdOx1 nCoV‑19 sont surtout des réactions locales et systémiques très fréquentes. Il existe encore de nombreuses inconnues inhérentes au faible recul d’utilisation, notamment de ce vecteur viral chez les êtres humains.

En somme, fin janvier 2021, les incertitudes autour du vaccin ChAdOx1 nCoV‑19 sont plus grandes qu’autour des deux vaccins à ARNm déjà disponibles dans l’Union européenne. Dans ces conditions, les décisions concernant l’utilisation du vaccin ChAdOx1 nCoV‑19 peuvent varier largement selon les contextes et les personnes. Fournir une information équilibrée sur les risques de la maladie covid-19, sur ce que l’on sait et sur ce que l’on ne sait pas de l’efficacité et des effets indésirables des vaccins est toujours d’actualité. De même que notifier les événements indésirables consécutifs à la vaccination.

©Prescrire 29 janvier 2021

Sources :

  1. HAS « Aspects immunologiques et virologiques de l’infection par le Sars-Cov-2. Variabilité génétique, réponses immunitaires, plateformes vaccinales et modèles animaux » 25 novembre 2020 : 134 pages.
  2. Dong Y et coll. « A systematic review of Sars-CoV-2 vaccine candidates » Signal Transduct Target Ther 2020 ; 5 (237) : 14 pages.
  3. Guo J et coll. « Development of novel vaccine vectors : chimpanzee adenoviral vectors » Hum Vaccin Immunother 2018 ; 14 (5) : 1679-1685.
  4. MHRA « Public assessment report for authorisation for temporary supply. Covid-19 vaccine AstraZeneca, solution for injection in multidose container covid-19 vaccine (ChAdOx1-S [recombinant]) » : 57 pages.
  5. Prescrire Rédaction « Vaccin covid-19 à ARN messager tozinaméran (Comirnaty° des firmes Pfizer et BioNTech) et personnes âgées : quelques données, beaucoup d’incertitudes » 23 décembre 2020.
  6. Prescrire Rédaction « Vaccin covid-19 à ARN messager de la firme Moderna : quelques données et des incertitudes, comme avec le vaccin tozinaméran (Comirnaty°, des firmes Pfizer et BioNTech) » 6 janvier 2021.
  7. Voysey M et coll. « Safety and efficacy of the ChAdOx1 nCoV-19 vaccine (AZD1222) against SARS-CoV-2: an interim analysis of four randomised controlled trials in Brazil, South Africa, and the UK » Lancet 2020 : 13 pages. Publié sur le site www.thelancet.com le 8 décembre 2020.
  8. « Phase III double-blind, placebo-controlled study of AZD1222 for the prevention of covid-19 in adults. NCT04516746 ». Site clinicaltrials.gov consulté le 13 janvier 2021 : 5 pages.
  9. Loustalot F et coll. « Les adénovirus non-humains. Un risque zoonotique ? » Médecine Sciences 2015 ; 31 (12) : 1102-1108.
  10. MHRA « Information for UK healthcare professionals-Covid-19 Vaccine AstraZeneca » 29 décembre 2020 : 10 pages.

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