Deuxième rappel vaccinal chez les personnes à risque de formes graves de covid-19 : fin juillet 2022, un regain d’efficacité, mais des incertitudes qui persistent


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Mi-juillet 2022, dans un contexte de circulation persistante du virus Sars-CoV-2 en France, avec prédominance du sous-lignage BA.5 du variant Omicron, la Haute autorité de santé (HAS) française a modifié ses recommandations concernant l’administration d’un 2e rappel vaccinal covid-19 (1,2). Le variant Omicron se distingue des principaux variants précédents par un moindre risque de formes graves de covid-19 (1,3). Des données épidémiologiques disponibles fin mars 2022, en période de circulation prédominante du sous-lignage BA.2 du variant Omicron, montraient un regain probable d’efficacité en prévention des formes graves de covid-19 chez les personnes âgées de 60 ans ou plus après un 2e rappel avec un vaccin covid-19 à ARN messager et un recul ne dépassant pas 2 mois (4,5).

Fin juillet 2022, l’évaluation du 2e rappel vaccinal covid-19 a-t-elle progressé, en particulier chez les personnes à risque élevé de formes graves de covid-19, que ce soit en raison de leur âge, de leur état de santé ou d’une grossesse ?

1er rappel vaccinal : l’efficacité en prévention des formes graves de covid-19 paraît décroître au-delà de 3 mois. Fin mars 2022, l’efficacité préventive d’un 1er rappel vaccinal covid-19 avec le vaccin à ARN messager tozinaméran (Comirnaty°, des firmes Pfizer et BioNTech) semblait moindre vis-à-vis des sous-lignages BA.1 et BA.2 du variant Omicron que vis-à-vis du variant Delta. L’efficacité paraissait toutefois maintenue en prévention des formes graves de covid-19, au moins 4 mois après le rappel (4).

Des données extraites le 1er juillet 2022 de divers registres français, soit environ 10 mois après le début de la campagne de rappel en France, vont dans le même sens (1). Ces résultats comportent une grande marge d’incertitude du fait d’un faible recul et de l’absence de prise en compte d’un éventuel regain d’immunité lié à une infection par le Sars-CoV-2 contractée après l’administration de la dose de rappel. Selon ces données, chez les personnes âgées de 60 ans ou plus, la protection apportée par un rappel vaccinal vis-à-vis des formes graves de covid-19 diminue à partir du 3e mois après son administration. Ce rappel garde toutefois une efficacité préventive au moins jusqu’à 6 mois contre les formes graves de covid-19, avec une réduction relative du risque de l’ordre de 50 % à 80 %. La diminution de l’efficacité préventive paraît plus rapide chez les personnes âgées de 80 ans ou plus (1).

2e rappel vaccinal chez des personnes âgées de 60 ans ou plus : regain d’efficacité en prévention des formes graves, avec un recul ne dépassant pas 3 mois. Fin mars 2022, deux études épidémiologiques israéliennes menées quand le variant Omicron était prédominant dans ce pays, mais avant l’émergence des sous-lignages BA.4 et BA.5, montraient après un 2e rappel vaccinal avec le tozinaméran et un recul ne dépassant pas 2 mois, un probable regain d’efficacité en prévention des formes de covid-19 graves voire mortelles chez les personnes âgées de 60 ans ou plus, peut-être de façon plus marquée chez celles âgées de 80 ans ou plus (lire ici)(4). Selon notre veille documentaire, les chercheurs à l’origine de ces travaux n’ont pas rendu publiques de données postérieures évaluant l’efficacité d’un 2e rappel avec plus de recul.

Depuis, des résultats semblables ont été rapportés dans 6 études épidémiologiques chez des personnes âgées de 60 ans ou plus, menées presque toutes en Israël et avec le tozinaméran, en période de prédominance du variant Omicron, mais avant l’émergence des sous-lignages BA.4 et BA.5. Ces études n’apportent pas de données sur l’efficacité préventive d’un 2e rappel vaccinal au-delà de 3 mois après son administration. Les résultats disponibles ne détaillent pas spécifiquement l’efficacité préventive chez les patients immunodéprimés (6à11). Dans deux de ces études, le regain d’efficacité préventive dans les 2 mois après le 2e rappel s’est traduit par une réduction du risque relatif de formes graves de covid-19 de l’ordre de 70 % à 80 % par rapport aux personnes n’ayant reçu qu’un seul rappel (6,10).

Fin juillet 2022, les données disponibles sont insuffisantes pour évaluer l’efficacité d’un 2e rappel vaccinal en prévention des formes graves de covid-19 liées aux sous-lignages BA.4 et BA.5 du variant Omicron. Selon des données rétrospectives britanniques, l’efficacité préventive des vaccins covid-19 sur les infections par les sous-lignages BA.4 et BA.5 semble du même ordre que celle vis-à-vis du sous-lignage BA.2, sans précision sur le niveau de gravité des infections (12).

Notre veille documentaire n’a pas recensé d’étude ayant évalué spécifiquement l’efficacité préventive d’un 2e rappel vaccinal covid-19 chez des femmes enceintes.

Effets indésirables liés à un 2e rappel vaccinal : très peu de recul. Les données disponibles mi-2022 ne sont pas suffisantes pour évaluer les effets indésirables spécifiques à l’administration d’un 2e rappel vaccinal covid-19. Début juin 2022, sur la base de 41 déclarations de pharmacovigilance d’événements indésirables graves après l’administration d’un 2e rappel avec un vaccin à ARN messager, l’Agence française du médicament (ANSM) a conclu à l’absence de signal spécifique de pharmacovigilance avec le 2e rappel vaccinal covid-19 (13,14).

Selon notre analyse des données disponibles mi-2022, les effets indésirables après un rappel vaccinal avec le tozinaméran ou l’élasoméran paraissent voisins de ceux rapportés après la 1re ou 2e dose de la vaccination initiale. Ils sont généralement sans gravité, avec principalement des réactions locales, syndromes pseudogrippaux, myalgies, réactions d’hypersensibilité (15à19). De rares myocardites ont été décrites, surtout chez des adolescents et des hommes âgés de moins de 30 ans. Selon des données épidémiologiques françaises, ce risque semble moindre après un 1er rappel vaccinal qu’après la 2e dose de la vaccination initiale. Le délai entre les 2 doses de la vaccination initiale est nettement plus court que celui entre la vaccination initiale et le 1er rappel, ce qui contribue semble-t-il à cette différence de risque. D’autres signaux ont été identifiés tels que des syndromes de Guillain-Barré, mais sans lien établi entre la vaccination et leur survenue. Avec un recul d’environ un an et demi, les données épidémiologiques, portant sur des dizaines de milliers de femmes enceintes et des centaines de notifications, n’ont pas montré de signal d’alerte d’effet indésirable propre à l’exposition durant la grossesse. Cela n’exclut pas la possibilité d’une augmentation de la fréquence de tel ou tel trouble rare chez la mère ou chez l’enfant (16 à 19).

Fin juillet 2022, des recommandations divergentes qui témoignent des inconnues persistantes. Mi-juillet 2022, la Haute autorité de santé (HAS) française a recommandé d’administrer un 2e rappel vaccinal covid-19 chez les personnes âgées de 60 ans ou plus, chez celles à risque élevé de formes graves de covid-19 quel que soit leur âge, chez les femmes enceintes dès le 1er trimestre de grossesse, voire aux personnes vivant dans l’entourage ou en contacts réguliers avec des personnes immunodéprimées ou vulnérables. Selon la HAS, ce 2e rappel vaccinal est à administrer après un délai d’au moins 6 mois suivant le 1er rappel, ou après un délai de 3 mois chez les personnes âgées de 80 ans ou plus, chez celles vivant dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou une unité de soins de longue durée, et chez les patients immunodéprimés (1). Fin juillet 2022, la Direction générale de la santé (DGS) française a étendu cette recommandation d’un 2e rappel aux professionnels de santé, et « à l’ensemble des salariés du secteur de la santé et du secteur médico-social, aux aides à domicile intervenant auprès de personnes vulnérables, aux professionnels du transport sanitaire, ainsi qu’aux pompiers, quel que soit leur âge, leur mode d’exercice et leur état de santé » (20).

Mi-2022, des recommandations pour l’administration d’un 2e rappel vaccinal chez certaines personnes à risque de formes graves de covid-19 ont été émises dans divers pays, notamment d’Amérique du Nord et d’Europe. Celles-ci divergent notamment par la population concernée (seuil d’âge variant de 50 à 70 ans en l’absence d’autres facteurs de risque connus, femmes enceintes ou non, professionnels de santé ou non, etc.), et par le délai préconisé entre le 1er et le 2e rappel (3, 4 voire 6 mois)(1). La diversité des recommandations émises par les autorités de santé nationales témoigne des incertitudes qui persistent fin juillet 2022.

Des vaccins qui ne ciblent pas spécifiquement le variant Omicron du Sars-CoV-2. En France, les vaccins covid-19 à ARN messager préconisés pour un rappel vaccinal sont : le tozinaméran dosé à 30 microg d’ARN messager dans 0,3 ml de solution, ce qui équivaut à la dose utilisée pour la vaccination initiale chez les adultes ; l’élasoméran dosé à 50 microg d’ARN messager dans 0,25 ml de solution, ce qui équivaut à la moitié de la dose utilisée pour la vaccination initiale chez les adultes (4). Depuis avril 2022, en France, une présentation du vaccin tozinaméran sans dilution est disponible pour les adultes (flacons multidoses munis d’un bouchon gris) (lire ici) (21). Des vaccins covid-19 à ARN messager ciblant spécifiquement le variant Omicron du Sars-CoV-2 sont annoncés pour l’automne 2022 mais, fin juillet 2022, ils ne sont pas autorisés dans l’Union européenne.

En somme, fin juillet 2022, quelques données supplémentaires montrent l’efficacité d’un 2e rappel vaccinal en prévention des formes graves de covid-19, mais les inconnues sont encore nombreuses. De mars à juillet 2022, les données d’évaluation d’un 2e rappel vaccinal avec un vaccin covid-19 à ARN messager ont peu progressé. Selon des études épidémiologiques, un 2e rappel a une efficacité préventive contre les formes graves de covid19 dans les 2 à 3 mois qui suivent son administration. Les inconnues sont encore nombreuses, en particulier depuis la circulation prédominante du sous-lignage BA.5 du variant Omicron, entre autres : l’ampleur et la durée de la protection conférée par ce 2e rappel ; l’éventuel surcroît d’effets indésirables lié à la répétition des rappels vaccinaux ; la balance bénéfices-risques d’un rappel vaccinal avec un futur vaccin ciblant spécifiquement le variant Omicron ; le délai optimal entre les rappels. La diversité des recommandations émises par les autorités de santé de différents pays témoigne des incertitudes qui persistent fin juillet 2022. Il importe de partager, avec les patients et leur entourage, l’état de l’évaluation et les incertitudes concernant les bénéfices et les risques éventuels d’un 2e rappel vaccinal covid-19.

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Sources :

1- HAS « Avis n°2022.0043/AC/SESPEV du 13 juillet 2022 du Collège de la Haute Autorité de santé relatif à la place d’une dose de rappel additionnelle des vaccins contre la covid-19 dans la stratégie vaccinale » mis en ligne le 13 juillet 2022 : 29 pages.

2- Santé publique France « Covid-19. Point épidémiologique du 14 juillet 2022« . Site www.santepubliquefrance.fr consulté le 19 juillet 2022 : 3 pages.

3- Prescrire Rédaction « Variant Omicron du Sars-CoV-2 : début 2022, moins de formes graves qu’avec le variant Delta mais une efficacité vaccinale plus faible » Rev Prescrire 2022 ; 42 (460) : 124.

4- Prescrire Rédaction « Deuxième rappel vaccinal covid-19 chez certaines personnes âgées : un regain probable d’efficacité vis-à-vis du variant Omicron, mais avec très peu de recul » Rev Prescrire 2022 ; 42 (463) : 368-370.

5- Santé publique France « Covid-19. Point épidémiologique du 31 mars 2022« . Site www.santepubliquefrance.fr consulté le 19 juillet 2022 : 8 pages.

6- Gazit S et coll. « Short term, relative effectiveness of four doses versus three doses of BNT162b2 vaccine in people aged 60 years and older in Israel : retrospective, test negative, case-control study » BMJ 2022 ; 377 : e071113, 9 pages.

7- Magen O et coll. « Fourth dose of BNT162b2 mRNA covid-19 vaccine in a nationwide setting » N Engl J Med 2022 ; 386 (17) : 1603-1614.

8- Amir O et coll. « Protection against Omicron severe disease 0-7 months after BNT162b2 booster » Site www.medrxiv.org consulté le 19 juillet 2022 : 10 pages.

9- Brosh-Nissimov T et coll. « Hospitalized patients with severe coronavirus disease 2019 during the Omicron wave in Israel : benefits of a fourth vaccine dose » Clin Infect Dis 2022 ; en ligne : 6 pages.

10- Muhsen K et coll. « Association of receipt of the fourth BNT162b2 dose with Omicron infection and covid-19 hospitalizations among residents of long-term care facilities » JAMA Intern Med 2022 ; en ligne : 9 pages.

11- Grewal R et coll. « Effectiveness of a fourth dose of covid-19 mRNA vaccine against the Omicron variant among long term care residents in Ontario, Canada : test negative design study » BMJ 2022 ; 378 : e071502, 11 pages.

12- UK Health Security Agency « Sars-CoV-2 variants of concern and variants under investigation in England. Technical briefing 43 » 24 juin 2022 : 37 pages.

13- ANSM CRPV de Bordeaux, CRPV de Marseille, CRPV de Toulouse, CRPV de Strasbourg « Enquête de pharmacovigilance du vaccin Pfizer – BioNTech Comirnaty. Analyse périodique n°3 : période du 29 avril au 9 juin 2022 » 30 juin 2022 : 35 pages.

14- ANSM CRPV de Lille, CRPV de Besançon « Enquête de pharmacovigilance du vaccin covi-19 Vaccine Moderna. Analyse périodique n°3 : période du 29 avril au 09 juin 2022 » 30 juin 2022 : 35 pages.

15- Commission européenne « RCP-Comirnaty » 6 mai 2022.

16- Prescrire Rédaction « Effets indésirables connus mi-2021 des vaccins covid-19 à ARN messager » Rev Prescrire 2022 ; 42 (455) : 674-675.

17- Prescrire Rédaction « Myocardites liées aux vaccins à ARN messager » Rev Prescrire 2022 ; 42 (459) : 22-25.

18- Prescrire Rédaction « Grossesse et vaccins covid-19 à ARN messager tozinaméran (Comirnaty°) et élasoméran (Spikevax°) » Rev Prescrire 2022 ; 42 (461) : 195-197.

19- Stéphane Le Vu et coll. « Vaccins covid-19 à ARN messager et risque de myocardite : effets de la troisième dose et du délai entre les doses » 20 juillet 2022. Site www.epi-phare.fr consulté le 26 juillet 2022 : 17 pages.

20- Direction générale de la santé « Extension du deuxième rappel de vaccination contre le covid-19 aux professionnels du secteur de la santé et du médico-social » 26 juillet 2022 : 2 pages.

21- Prescrire Rédaction « Vaccin tozinaméran (Comirnaty° Pfizer et BioNTech) en flacons prêts à l’emploi sans dilution : bouchon gris, ne pas diluer ! » Rev Prescrire 2022 ; 42 (463) : 323.

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