Retour en force du PALUDISME

Le retour en force du paludisme
Pour la première fois en dix ans, le nombre de personnes
ayant contracté la maladie a augmenté en 2016. 
L’Organisation mondiale de la santé dénonce un « niveau
 d’investissement inadéquat ».
LE MONDE | 16.04.2018 à 14h00 • Mis à jour le 16.04.2018
 à 17h51 | Par Paul Benkimoun
http://www.lemonde.fr/medecine/article/2018/04/16/le-retour-en-force-du-paludisme_5286113_1650718.html#ulFUAy0oCZpe3RIe.99

Les réunions internationales destinées à donner un nouvel 
élan à la lutte contre le paludisme se multiplient
 en ce mois d’avril. Dakar accueille, du 15 au 29 avril, la septième
 conférence panafricaine sur le paludisme
 organisée par l’Initiative multilatérale sur le paludisme (MIM). 
Londres reçoit, le 18 avril, le Sommet 
mondial sur le paludisme, convoqué à l’initiative du partenariat 
international Faire reculer le paludisme (RBM),
 avec le soutien de la Fondation Bill et Melinda Gates. Une 
mobilisation bien nécessaire, tant la crainte d’une
 recrudescence de la maladie grandit.

Un enfant tué toutes les deux minutes

Ces dernières années, les progrès de la lutte contre une maladie qui
 tue un enfant toutes les deux minutes,
 principalement en Afrique subsaharienne, ont été à juste titre mis 
en avant. Depuis l’année 2000, le nombre des
 décès dus au paludisme a été réduit de plus de la moitié, et les 
institutions internationales estiment que
 7 millions de vies ont été sauvées grâce aux actions menées contre 
ce fléau.

Lire aussi :   Paludisme : les chiffres-clés

Entre 2010 et 2016, le nombre de pays notifiant moins de 100 000 cas
 de pa­ludisme a augmenté, passant de 37 à 44,
 et l’accès aux outils de prévention tels que les moustiquaires 
imprégnées d’insecticide s’est accru. Introduite
 en 2012, la chimioprévention saisonnière (CPS) – utilisation
 préventive d’antipaludéens pendant la saison des
 pluies – permet de réduire fortement les cas de ­paludisme simples.

Dans son rapport en 2015, ­l’Organisation mondiale de la santé (OMS)
 pouvait donc se réjouir quand elle soulignait :
 « La cible 6C des Objectifs du millénaire pour le développement liée
 au paludisme appelait à maîtriser cette maladie
 d’ici à 2015. De toute évidence, elle a été atteinte. »

« EN DÉCEMBRE 2016, MOINS DE LA MOITIÉ DES PAYS D’ENDÉMIE ÉTAIENT
 EN PASSE D’ATTEINDRE LES OBJECTIFS DE LA LUTTE CONTRE
 LE PALUDISME. »

C’est une tout autre tonalité qu’a adoptée le directeur général de 
l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, dans son
 avant-propos au rapport 2017, le plus récemment paru : « En décembre
 [2016], nous avions noté que la lutte
 antipaludique suivait une trajectoire inquiétante. En effet, les 
données indiquaient que moins de la moitié des pays 
d’endémie étaient en passe d’atteindre les objectifs de baisse de la
 morbidité [taux de personnes atteintes]et de la
 mortalité liées au paludisme. Les progrès semblaient alors 
s’arrêter. Le rapport 2017 sur le paludisme dans le monde
 montre que cette trajectoire inquiétante se poursuit. »

Et le « Dr Tedros », comme il est plus familièrement appelé, de 
remarquer que, malgré des points positifs, « la baisse
 du poids du paludisme au niveau mondial s’est incontestablement 
ralentie. Par ailleurs, dans certaines régions et certains
 pays, la lutte contre cette maladie est même en recul ».

Pour la première fois en dix ans, le nombre de cas de paludisme a en
 effet augmenté de nouveau. En 2016, ce sont 216 millions
 de personnes qui ont contracté la maladie dans le monde, soit 5
 millions de plus que l’année précédente, et un retour
 au niveau de 2012.

Certains pays ont connu une hausse de plus de 20 % des cas de 
paludisme entre 2015 et 2016. La plupart des cas (90 %) ont été
 ­enregistrés en Afrique, loin devant l’Asie du Sud-Est (7 %) et la 
Méditerranée orientale (2 %), selon l’OMS. Le nombre des 
décès, lui, est resté stable : 445 000 morts en 2016, comparable aux
 446 000 morts en 2015.

2,7 milliards de dollars investis, sur les 6,5 nécessaires

A ce constat sanitaire préoccupant s’ajoute une autre source 
d’inquiétude : « Les financements mondiaux obtenus en faveur du
 contrôle et de l’éradication du paludisme représentent moins de la
 moitié des fonds nécessaires pour atteindre les cibles
 mondiales », alerte RBM. Dans son avant-propos au rapport annuel
 2017 sur le paludisme, le Dr Tedros confirme « un niveau 

d’investissement inadéquat » : « Un niveau d’investissement annuel de
 l’ordre de 6,5 milliards de dollars [5,2 milliards d’euros] 
au moins est requis d’ici à 2020 pour atteindre les cibles de la 
stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme de l’OMS. »
Or, en 2016, seulement 2,7 milliards de dollars (2,2 milliards 
d’euros) y étaient consacrés et, depuis 2014, ces investissements
 ont diminué dans de nombreux pays très touchés.

Initiatives
Des signes de régression, alors que, dans le même temps, sont prises
 des initiatives comme ­celles d’Unitaid (organisation
 internationale, spécialisée dans le financement d’innovations en 
santé). A travers le partenariat Medicines for Malaria Venture,
 Unitaid a­ ­consacré 20 millions de dollars pendant la période 
2013-2016 pour répondre à l’accélération de la demande et à 
l’adoption de la forme injectable d’artésunate – un médicament 
antipaludéen majeur –, plus efficace et moins cher que la
 quinine. Un programme qui pourrait sauver la vie de 66 000 enfants 
supplémentaires chaque année d’ici à 2021, selon
 l’institution internationale.

La lutte contre le paludisme est donc à la croisée des chemins. Les
 objectifs fixés sont raisonnables. Reste à savoir
 si la volonté politique et la mobilisation internationale seront au
 rendez-vous.

Lire aussi :   Paludisme infantile : les succès d’un traitement en
 Afrique
http://abonnes.lemonde.fr/medecine/article/2018/04/16/en-afrique-subsaharienne-le-succes
-de-la-chimioprevention-contre-le-paludisme_5286114_1650718.html
 

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