La tuberculose devient de plus en plus résistante

 

La tuberculose devient de plus en plus résistante
LE MONDE | 24.03.2012 à 11h12 • Mis à jour le 26.03.2012 à 09h04
Par Catherine Vincent
http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/03/24/la-tuberculose-de-plus-en-plus-resistante_1675109_3244.html

C’est un des scandales sanitaires de ce début de siècle: la tuberculose a
tué 1,4 million de personnes en 2010, dont l’immense majorité résidait
dans un pays pauvre. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il
s’agit du niveau de mortalité le plus bas enregistré ces dix dernières
années. Mais cette évolution positive cache une réalité inquiétante: le
bacille de Koch devient de plus en plus résistant aux traitements
existants, au point de constituer, dans certaines régions du monde, un
problème de santé publique majeur. A l’occasion de la Journée mondiale de
lutte contre la tuberculose, samedi 24mars, médecins et chercheurs lancent
un appel à l’aide internationale pour sortir de cette impasse
thérapeutique.

Obsolescence des outils de diagnostic et des médicaments, pénurie de
moyens, difficultés pour les patients à suivre leur traitement, désintérêt
du secteur pharmaceutique: partout dans le monde, les soignants sont
confrontés aux mêmes obstacles dans la prise en charge des malades. Mais
alors que les pays développés parviennent à maintenir l’incidence de la
maladie à bas niveau, les pays pauvres ont d’énormes problèmes d’accès au
diagnostic et aux traitements.

SITUATION INEXTRICABLE

Et la situation devient inextricable quand les patients se révèlent
« multirésistants », c’est-à-dire infectés par une souche résistante à
l’action des deux antibiotiques majeurs (rifampicine et isoniazide)
constituant le traitement standard, dit de « première ligne ». Au cours des
dix dernières années, cette tuberculose multirésistante aurait, selon
l’OMS, entraîné le décès de 1,5 million de personnes dans le monde. Et 450
000 nouveaux cas sont recensés chaque année, qui obligent – quand c’est
possible – à recourir à un traitement de « seconde ligne ».Des médicaments
moins efficaces, entraînant de graves effets secondaires, qui nécessitent
d’être administrés pendant près de deux ans et coûtent une fortune: au
minimum 10 000 euros par personne dans les pays en développement (les
tarifs étant négociés par les ONG), quand le coût du traitement d’une
tuberculose simple n’excède pas 15 euros.

Résultat: alors qu’environ 5 millions de cas de tuberculose
multirésistante ont été recensés depuis l’an 2000, l’OMS estime que 50 000
seulement de ces patients, soit 1%, ont bénéficié d’un traitement dont la
qualité respecte les recommandations internationales.

La situation est particulièrement grave en Afrique subsaharienne, où la
forte prévalence du sida a favorisé la croissance exponentielle des cas de
tuberculose – chacun des deux agents infectieux augmentant la gravité et
la vitesse d’évolution de l’autre. Le nombre de nouveaux cas de
tuberculose y est parmi les plus élevés du monde (plus de 300 pour
100000personnes) et, parmi eux, figure une proportion inquiétante de
multirésistants. Voire d' »ultrarésistants », ne répondant aux traitements
ni de première ni de seconde lignes.

ABANDON DE LA RECHERCHE

« Dans les pays de l’ex-Union soviétique, l’incidence globale de la
tuberculose est bien moindre qu’en Afrique. Mais dans certaines régions,
les cas de multirésistance n’en atteignent pas moins des taux alarmants:
dans le Caucase (plus de 10%) et plus encore en Ouzbékistan (de 40 % à 50
%) », précise le docteur Francis Varaine, directeur du groupe de travail
international sur la tuberculose à Médecins sans frontières (MSF).
En toile de fond de ce bilan mondial consternant, le quasi-abandon, depuis
des décennies, de la recherche-développement dans le champ de la
tuberculose. A tous les niveaux. Celui du diagnostic, fondé comme il y a
plus d’un siècle sur le recueil et la mise en culture des crachats,
méthode longue et ne permettant de détecter que la moitié des cas. Celui
des médicaments, mal adaptés aux souches multirésistantes et plus encore
aux ultrarésistantes. Celui du vaccin, l’antique BCG, dont l’efficacité a
toujours été limitée et qui n’est plus obligatoire en France depuis l’été
2007.

Dans tous ces domaines, le marché pour la production et le développement
de nouvelles molécules demeurant peu attractif, les investissements
stagnent.
Depuis peu, pourtant, quelques pistes de recherche se font timidement
jour. Fin 2010, un nouveau test de diagnostic, capable de détecter dans
les crachats non seulement le bacille tuberculeux mais également son ADN,
a ainsi été approuvé par l’OMS. Il est aujourd’hui mis à l’épreuve du
terrain par près de trente pays. Et deux nouveaux médicaments, en stade
final de développement, sont testés depuis un an en « protocole
compassionnel » (pour des malades n’ayant plus d’autre recours
thérapeutique).
Mais ces fragiles avancées demandent toutes à être confirmées, donc
financées. Alors que le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le
paludisme s’est vu contraint d’annuler en décembre2011, sur fond de crise
interne et de crise économique mondiale, son onzième appel à projets, le
pari est loin d’être gagné.

Catherine Vincent

Présentation de notre association en date du 23 décembre sur ce blog

 

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