Au bout de la case de santé, avant le crépuscule, nous installons l’emplacement de notre diner en sortant tables, chaises et bancs qui nous servent dans la journée dans les cabinets de consultation. Ambroise jeune homme du village, psychotique, sombre, déterminé et renfermé vient s’installer là sur un banc mais accepte sur les objurgations d’Emma et moi, de s’en aller sans faire d’éclats : on se souvient du mois d’octobre où il s’incrustait chaque soir faisant peur aux femmes de l’équipe ; il fallait le faire déguerpir et chaque fois c’était un pugilat entre lui et sa famille décidée à utiliser la violence et les coups de bâton, ce qui nous mettait tout à fait mal à l’aise…
SILENCE SVP!!!
Nous revoyons avec bonheur ce jeune de 29 ans aveugle depuis l’âge de 13 ans du fait d’une cataracte bilatérale: il a été opéré par notre équipe sur Bignona en décembre et maintenant il voit! Le second oeil est à opérer maintenant mais quel beau résultat!
Avant le repas de midi ce lundi je m’en vais visiter le vieux Moukouti qui présente d’importantes séquelles de trachome qui l’ont rendu aveugle; subit aussi des accès de goutte fort invalidante et douloureuse ; il se déplace péniblement avec son gros bâton dont il martèle le sol : gare à ne pas recevoir l’énorme canne sur son propre pied comme cela a failli m’arriver l’année dernière.
Réunion de synthèse sous l’arbre à palabres là où nous prenions nos repas de midi et où se tenaient les distributeurs de ticket ainsi que Philippe assurant le dépistage du diabète.
Marcel au nom du chef de village, son père, réitère la demande d’assistance pour juillet.
Nous leur restituons le moteur de la pirogue ambulance qui a chuté dans l’eau de mer sans avoir été immédiatement rincé avec, par la suite, d’infructueuses – pour ne pas dire malencontreuses – tentatives de réparation par un mécanicien peu compétent : Benjamin notre piroguier qui est un excellent mécano (il tient un atelier de réparations sur Diogué) a soigneusement effectué la réparation ; comme prévu en octobre le village s’engage à rembourser peu à peu à ANIMA les pièces que nous avons achetées. Nous disons combien nous sommes scandalisés par cet événement: faire tomber un moteur à l’eau cela peut arriver à tous mais ne pas s’en occuper immédiatement est incompréhensible pour ce peuple d’insulaires et de pêcheurs…
Départ sur Diogué de bonne heure mais nous nous arrêtons à Nioumoune pour recharger les cantines et en profiter puisque Odile est là pour peaufiner l’inventaire. Gérard, notre ancien photographe, a fait à Ziguinchor les démarches pour que nous puissions passer commande par l’intermédiaire de la chefferie médicale régionale ; Le médecin est sur Dakar mais très courtoisement, répond rapidement à mes messages par un SMS qui me confirme qu’il a donné les instructions pour que la pharmacie honore notre commande ; Gérard doit donc s’y rendre puis venir payer à la banque le montant de la facture avant de revenir prendre livraison : malheureusement bien des produits manquent en rupture de stock ; nous ne pourrons donc, à court de Praziquantel prendre en charge les nombreuses bilharzioses urinaires que nous rencontrons, surtout chez les enfants ; de même pas de pommades cutanées anti-inflammatoires, cortisoniques ou antimycosiques pas plus que de gouttes auriculaires pour les otites chroniques traînantes que nous diagnostiquons très souvent…Il faudra encore trouver un commissionnaire pour nous apporter sur Diogué le colis (contenant avant tout l’antalgique de référence, le Paracétamol). André, notre représentant local est dans un taxi brousse à la gare routière de Zig lorsqu’il reçoit l’appel de Hyacinthe…Il ne lui reste qu’à abandonner son taxi et à retourner en ville pour s’en aller quérir chez Gérard le paquet avant de rejoindre la gare routière et prendre la route d’Elinkine ; par notre faute il arrivera trop tard au débarcadère et devra attendre la pirogue suivante pour revenir au village : merci André et Gérard.
En route pour Diogué nous continuons nos statistiques directement sur l’ordinateur tout comme le matin entre Kouba et le campement « Alouga ». Cela va nous avancer sérieusement. La grande pirogue en bois nous dépasse ; Hyacinthe et nos amis africains vont commencer à installer le bivouac auquel nous parvenons en embouquant le dernier bolong à droite avant l’océan pour venir mouiller dans un méandre, devant le fief d’Yvon. Ce dentiste avait commencé la construction d’une superbe case sur ce coude du bolong avec de belles échappées sur le fleuve, en face de Karabane et d’Elinkine . La maladie l’a emporté rapidement sans lui laisser le temps de voir son rêve s’achever ; c’est triste de voir la construction abandonnée en train de se dégrader et de penser à cette force de la nature qui a tant donné à ces îles de Casamance. Je pense, comme chaque fois que nous venons sur ses terres, avec émotion à lui et à Mélanie, sa compagne.
<!–[if !supportEmptyParas]–> <!–[endif]–>
Delphine et Françoise, sages-femmes du sud-ouest qui nous avaient contacté en France, feront le chemin de Nioumoune à Diogué sur le voilier et dresseront leur tente au milieu des nôtres ; nous pensions qu’elles allaient travailler quelques heures avec nous dans la matinée mais elles sont reparties rapidement, soucieuses de ne pas manquer la pirogue pour Elinkine. A l’issue de cette mission d’exploration elles verront ce qu’elles peuvent faire sur le terrain, avec ou sans nous…
Présentation de l’association ANIMA en date du 12 janvier sur ce blog.