Grossesse et vaccins covid-19 à ARNm tozinaméran (Comirnaty°) et élasoméran (Spikevax°) : le point début 2022

La revue « Prescrire » nous informe:

https://prescrire.org
En France, depuis avril 2021, les femmes enceintes ont accès à la vaccination avec un vaccin covid-19 à ARN messager à partir du 2e trimestre de grossesse. Depuis fin juillet 2021, elles y ont accès dès le 1er trimestre de grossesse si elles le souhaitent (1). Quels sont les principaux points de repère sur cette vaccination à transmettre aux femmes enceintes ?

Chez les femmes enceintes, une infection par le Sars-CoV-2 expose à un surcroît de formes graves de covid-19 et de complications parfois mortelles, surtout en fin de grossesse : hospitalisations en soins intensifs, prééclampsies ou autres complications apparentées, hémorragies du post-partum, césariennes, naissances prématurées, faibles poids de naissance, détresses fœtales (2). Ces complications sont plus fréquentes chez les femmes ayant au moins un facteur de risque tel que : surpoids, diabète, hypertension artérielle, maladie respiratoire ou cardiaque chronique. Un risque accru d’affections néonatales graves, notamment respiratoires, neurologiques, circulatoires ou infectieuses, qui est peut-être lié au surcroît de prématurité, a été mis en évidence (2,3).

Début 2022, les données disponibles suggèrent que, par rapport à des femmes enceintes non vaccinées, l’efficacité de la vaccination chez les femmes enceintes est du même ordre que celle dans la population générale, avec une diminution du risque d’apparition de covid-19 grave, au moins pour les principaux variants en circulation en 2020 et 2021 (4). Des anticorps dirigés contre le Sars-CoV-2 ont été détectés dans le sang du cordon ombilical et dans le lait maternel, sans qu’on sache si cela se traduit par une une protection clinique chez l’enfant (4).

Début 2022, quelles sont les principales données quant aux effets indésirables des vaccins covid-19 à ARN messager administrés pendant la grossesse ?

Données animales : pas d’alerte. Les vaccins covid-19 à ARN messager ne sont pas des vaccins vivants. Par ailleurs, l’ARN messager ne pénètre pas dans le noyau de la cellule. Il est détruit dans le cytoplasme cellulaire en quelques minutes à quelques jours (5).

Les données animales disponibles n’ont pas mis en évidence d’effet toxique pour la reproduction avec le tozinaméran (Comirnaty°), ni avec l’élasoméran (Spikevax°) (5).

Des données provenant de quelques pays. Début décembre 2021, plusieurs centaines de milliers de doses de vaccins covid-19 ont été injectées à des femmes enceintes dans le monde (6à8). On ne dispose pas, fin 2021, de données portant sur l’injection d’une dose de rappel chez les femmes enceintes.

Le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) étatsunien a recensé plus de 178 000 femmes enceintes vaccinées (6).

En France, fin décembre 2021, tous âges confondus, environ 90 millions de doses de tozinaméran ont été injectées et plus de 12 millions de doses d’élasoméran (10). Début décembre 2021, les données issues de la pharmacovigilance font état de 472 notifications d’effets indésirables survenus durant la grossesse, dont 326 graves. 399 ont impliqué le tozinaméran, 58 l’élasoméran (4). Fin décembre 2021, le nombre de femmes enceintes vaccinées en France n’est pas mentionné dans les rapports publics (4,5,9). Certains effets indésirables graves semblables à ceux observés dans la population générale ont aussi été notifiés chez des femmes enceintes (4).

Quelques données proviennent aussi de Norvège, de Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni (7,8,10).

Pas de risque accru d’interruption spontanée de grossesse après vaccination. De mi-décembre 2020 à fin juin 2021, une large étude cas/témoins étatsunienne a été réalisée à partir de la base de données Vaccine Safety Datalink, qui associe le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) étatsunien et 9 organismes d’assurance maladie et de soins, soit au total environ 3 % de la population étatsunienne. Cette étude a porté sur 105 446 femmes enceintes, dont 7,8 % avaient reçu, avant la 20e semaine de grossesse, au moins une dose de tozinaméran et 6 % au moins une dose d’élasoméran. 13 160 femmes ont vu leur grossesse cesser spontanément entre la 6e et la 19e semaine de grossesse. Dans les 28 jours précédant la date d’interruption spontanée de grossesse, 8,6 % des femmes avaient reçu au moins une dose de vaccin covid-19, versus 8 % chez les femmes dont la grossesse s’est poursuivie (absence de différence statistiquement significative) (11).

En Norvège, une étude cas/témoins a eu des résultats convergents avec ceux de l’étude étatsunienne. À partir de registres de grossesse et de vaccination covid-19 ont été recensées 231 femmes vaccinées sur 4 521 (5,1 %) dont la grossesse a cessé spontanément versus 772 femmes vaccinées sur 13 956 femmes (5,5 %) dont la grossesse s’est poursuivie (soit une absence de différence statistiquement significative) (12).

Selon un bilan des notifications françaises début décembre 2021, sur les 399 notifications d’effets indésirables impliquant le tozinaméran pendant une grossesse, 179 étaient des interruptions spontanées de grossesse. 159 interruptions spontanées de grossesse sont survenues entre la 2e et la 21e semaine d’aménorrhée, la plupart entre la 4e et la 12e semaine d’aménorrhée. 15 enfants sont morts in utero. 5 grossesses extra-utérines ont été enregistrées. Les notifications d’interruptions spontanées de grossesse n’ont pas coïncidé avec d’autres troubles (4). Avec l’élasoméran, les données sont moins fournies mais vont dans le même sens. Ces données non comparatives ne permettent pas d’étudier un lien de causalité.

En Nouvelle-Zélande, mi-novembre 2021, environ 2 800 femmes avaient été vaccinées pendant la grossesse par le tozinaméran, et avaient accouché. Le Centre de pharmacovigilance néo-zélandais (CARM) a reçu 17 notifications d’interruption spontanée de grossesse jusqu’au 27 octobre 2021, soit un nombre de signalements inférieur à ce qui est habituellement constaté (10).

Malformations et atteintes fœtales : très peu de données. Notre recherche documentaire n’a pas recensé d’étude portant sur le risque de malformations chez les enfants exposés in utero à ces vaccins. Le rapport français fin décembre 2021 fait état, au début décembre, de 12 enfants atteints de malformations, dont deux avec une chronologie plausible : il s’agissait de deux cas de spina bifida chez des enfants dont la mère avait reçu la première dose dans les jours précédant la fermeture du tube neural (4). La date de vaccination était connue pour les autres cas et la chronologie n’est pas compatible avec un rôle du vaccin. 5 morts in utero et 19 atteintes fœtales très diverses après une vaccination par tozinaméran ont été notifiées.

Peut-être des contractions utérines et Hellp syndrome ? Le rapport français signalait que, début novembre 2021, d’autres effets indésirables impliquant le tozinaméran faisaient l’objet d’un suivi. Il s’agissait des contractions utérines, des métrorragies, de Hellp syndrome (une des complications de la prééclampsie). Dans 16 cas sur 20, la chronologie des contractions utérines était compatible avec celle de la vaccination : par exemple, apparition en 30 minutes à 72 heures puis régression dans les 3 jours pour 11 femmes. Concernant les métrorragies, le lien avec la vaccination n’est pas établi (4). Selon ce rapport de centres de pharmacovigilance français, fin décembre 2021, ces données ne constituent pas un signal particulier d’un risque lié à la vaccination covid-19 (4).

Pas de signal de prématurité, ni de faible poids de naissance. Au Royaume-Uni, une analyse a porté sur environ 25 000 femmes enceintes vaccinées contre le covid-19 avant leur accouchement jusqu’en août 2021, le plus souvent au cours du 3e trimestre de grossesse. Plus de 80 % des femmes enceintes avaient reçu le tozinaméran et 8 % l’élasoméran (8,9). Chez les femmes vaccinées et les femmes non vaccinées, les risques de mort in utero (environ 0,4 %), de prématurité (environ 6 %) et de faible poids à la naissance (environ 5,3 %) étaient similaires (7, 8).

De mi-décembre 2020 à fin juillet 2021, une cohorte étatsunienne a été étudiée à partir de la base de données Vaccine Safety Datalink. Cette étude a porté sur 46 079 femmes enceintes d’un enfant né vivant. 21,8 % d’entre elles avaient reçu au moins une dose d’un vaccin covid-19 au cours du deuxième ou du troisième trimestre, surtout le tozinaméran (54,4 %) ou l’élasoméran (41,4 %). La naissance a été prématurée dans 6,6 % des cas ; 8,2 % des nouveau-nés avaient un faible poids de naissance. Sans qu’il y ait de différence statistiquement significative entre les femmes vaccinées pendant la grossesse et les femmes non vaccinées pendant la grossesse, y compris après prise en compte du nombre de doses reçues pendant la grossesse et du trimestre de la vaccination (13).

En pratique, début 2022 : préférer une vaccination des femmes enceintes entre la 10e et la 20e semaine de grossesse. Les données disponibles début 2022 concernent surtout la vaccination par tozinaméran (1). Comme les données animales, les données épidémiologiques et les notifications ne montrent pas, début 2022, de signal d’alerte. Cependant les données sont encore maigres concernant la vaccination au cours du 1er trimestre de grossesse.

Vu les conséquences de la maladie covid-19 chez les femmes enceintes et l’efficacité des vaccins constatée sur les principaux variants en circulation en 2020 et 2021, les données, début 2022, amènent à considérer la vaccination par tozinaméran comme utile chez les femmes enceintes, en évitant par prudence la période d’organogenèse (au 1er trimestre) ainsi que le 3e trimestre chez les femmes ayant un antécédent de prééclampsie ou de Hellp syndrome.

Notre analyse rejoint celle du Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) mise à jour en novembre 2021 qui mentionne de « si possible, débuter (…) le protocole vaccinal entre 10 et 20 semaines d’aménorrhée, c’est-à-dire après la fin de l’organogenèse et suffisamment tôt pour que la femme soit suffisamment protégée au 3e trimestre de la grossesse » (14).

La vaccination s’ajoute aux autres mesures préventives, sans les remplacer.

©Prescrire

Sources :

1- ANSM « La grande majorité des effets indésirables sont attendus et non graves » Dossier thématique, 9 décembre 2021 : 10 pages.

2- Prescrire Rédaction « Dans l’actualité Infection par le Sars-CoV-2 au cours de la grossesse : risque accru de complications et de forme grave de covid-19 » 5 mai 2021.

3- Epelboin S et coll. « Obstetrical outcomes and maternal morbidities associated with covid-19 in pregnant women in France : a national retrospective cohort study » PLoS Med 2021 ; en ligne : 15 pages.

4- CRPV Lyon – CRPV Toulouse « Enquête de pharmacovigilance sur les effets indésirables des vaccins covid-19 chez les femmes enceintes et allaitantes″ Rapport n° 8, 5 novembre 2021 au 3 décembre 2021 » : 44 pages.

5- Prescrire Rédaction « Tozinaméran (Cominarty°), vaccin covid-19 ARNm-1273 (Covid-19 Vaccine Moderna°) et pandémie de covid-19. Forte réduction du risque de maladie du covid-19, sans signal préoccupant d’effet indésirable » Rev Prescrire 2021 ; 41 (450) : 246-247.

6- CDC « V-safe covid-19 vaccine pregnancy registry » mise à jour du 7 décembre 2021 : 3 pages.

7- MHRA « New Ukhsa study provides more safety data on covid-19 vaccines in pregnancy » 25 novembre 2021 : 3 pages.

8- MHRA « Covid-19 vaccine surveillance report. Week 47 » 25 novembre 2021 : 46 pages.

9- ANSM « Suivi des cas d’effets indésirables des vaccins covid-19. Données du 26 novembre 2021 au 9 décembre 2021 » : 23 pages.

10- Medsafe « Covid-19 vaccination in pregnancy : no safety concerns with Comirnaty (Pfizer covid-19 vaccine) » 17 novembre 2021 : 3 pages.

11- Kharbanda EO et coll. « Spontaneous abortion following covid-19 vaccination during pregnancy » JAMA 2021 ; en ligne : 3 pages.

12- Magnus C et coll. « Covid-19 vaccination during pregnancy and first-trimester miscarriage » N Engl J Med 2021 ; en ligne : 2 pages.

13- Lipkind HS et coll. « Receipt of covid-19 vaccine during pregnancy and preterm or small-for-gestational-age at birth – eight integrated health care organizations, United States, December 15,2020 – July 22, 2021 » MMWR 2022 ; 71 (1) : 26-30.

14- Centre de référence sur les agents tératogènes « Vaccins contre la Covid 19 Grossesse et allaitement (mise à jour 26 novembre 2021) » Site www.lecrat.fr : 1 page.

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